Ce fut ma première émotion politique, ma première révolte. J’allais avoir 14 ans. J’étais au lycée Amiral Ronarc’h à Brest. La rentrée venait d’avoir lieu. On venait d’apprendre que les tanks et les avions du général Pinochet pilonnaient le palais présidentiel à Santiago.
Pourquoi est-ce que cela m’a touché ? Je l’ignore. L’incompréhension sans doute devant le fait que des militaires refusaient le résultat du suffrage universel.
Mais dans les jours qui suivirent, tous les noms me parlaient. La Moneda, le palais où Allende avait résisté arme à la main. Néruda qui se mourrait et dont la maison fut saccagée et ses livres jetés au bûcher. Victor Jara, chanteur et guitariste que les militaires placèrent devant une table au centre du terrain du stade de Santiago. Puis un officier lui trancha les doigts à coups de hache et lui ordonna de chanter. Jara se tourna alors vers les tribunes et entama l’hymne de l’Unité populaire ce qui lui coûta la vie car les militaires, d’une rafale de mitraillette, le firent taire…
Je me souviens aussi avoir vu à la télévision François Mitterrand condamner ce coup d’Etat. Il participait ce jour-là à un meeting à Rennes, me semble-t-il.
Puis la nuit enveloppa pendant une quinzaine d’année ce pays d’un régime de terreur. Pinochet est mort hier dans son lit, ce qui pour un démocrate est dur à accepter.
« …des militaires refusaient le résultat du suffrage universel. »
Rien de plus faux. Pour rappel, l’armée chilienne intervint suite à l’appel du parlement chilien. En effet, après la Cour Suprême – qui, le 26 mai 1973, avait adressé une énième protestation contre les violations sans cesse répétées par l’exécutif des décisions de justice des tribunaux (Allende y répondra en déclarant qu’en période de révolution, c’était au pouvoir politique de décider de l’opportunité de l’application des décisions judiciaires) -, le parlement chilien, le 23 août 1973, dans une résolution, approuvée à 81 voix contre 47, après le rappel des innombrables violations constitutionnelles et légales du gouvernement Allende, demande aux autorités et aux FORCES ARMÉES de mettre fin immédiatement aux situations de fait dont ils étaient fait mention. Les documents historiques sont très clairs à ce sujet :
http://www.josepinera.com/pag/pag_tex_quiebredemoc.htm
De même que les témoignages des principaux acteurs :
- Eduardo Frei, patron de la Démocratie chrétienne qui expliqua clairement au journal espagnol ABC le 10 octobre 1973 que les militaires furent appelés par les parlementaires pour remplir une obligation légale :
http://www.josepinera.com/pag/pag_tex_hablofrei.htm
- Patricio Aylwin – premier président du Chili après la dictature – qui, dans une entrevue à la télévision espagnole le 16 septembre 1973, expliqua comment le gouvernement Allende tentait d’installer une dictature socialiste et que l’action de l’armée fut salvatrice :
http://www.youtube.com/watch?v=twVdTR8gcvI
Petit résumé de ce qu’était le régime Allende, repris dans la résolution votée par les 2/3 des députés chiliens le 22 août 1973 :
- le gouvernement d’Allende a gouverné par décret dans des domaines qui étaient de la compétence exclusive du parlement ;
- le gouvernement d’Allende à bafoué les prérogatives du parlement en refusant de se soumettre à son contrôle et en ignorant les motions de censure contre plusieurs de ses ministres ;
- le gouvernement d’Allende a empêché la promulgation de lois votées par le parlement ;
- le gouvernement d’Allende a harcelé la magistrature pour qu’elle se plie à sa politique, en violation de la séparation des pouvoirs et a couvert des attaques perpétrées contre des membres de la magistrature ;
- le gouvernement d’Allende a paralysé l’action du Ministère public contre des criminels activistes proches du gouvernement ;
- le gouvernement d’Allende a violé toutes les lois consacrant le principe de séparation des pouvoirs en empêchant l’application des condamnations prononcées par la justice contre des criminels activistes proches du gouvernement ;
- le gouvernement d’Allende a systématiquement violé les décisions du Contrôleur général de la République, la plus haute juridiction administrative ;
- le gouvernement d’Allende a systématiquement violé le principe d’égalité devant la loi en refusant la protection de la loi aux personnes qui n’étaient pas de son bord ;
- le gouvernement d’Allende a attenté contre la liberté d’expression (pressions économiques, fermeture illégale, emprisonnement de journalistes, appropriation partisane et violation de la prérogative du Sénat dans la nomination de la direction de la télévision publique, etc.) ;
- le gouvernement d’Allende a violé l’autonomie des universités et leur droit à disposer de canal de télévision, notamment en couvrant la prise de possession illégale et violente de ces chaînes par ses partisans ;
- le gouvernement d’Allende a attenté, par la violence, contre le droit de réunion pacifique d’opposants à son régime alors même qu’il tolérait les réunions en armes de ses partisans et les attaques de ces derniers contre l’opposition ;
- le gouvernement d’Allende a attenté contre la liberté d’enseignement en voulant, illégalement, par décret, imposer un plan éducatif marxiste ;
- le gouvernement d’Allende a violé le droit constitutionnel de propriété en couvrant plus de 1.500 occupations illégales de propriétés et en promouvant la prise de possession illégales de centaines d’entreprises et de commerces pour les réquisitionner ensuite, spoliant ainsi les propriétaires légitime au profit du gouvernement ;
- le gouvernement d’Allende a eu recours d’innombrables fois aux arrestations illégales et a autorisé que ls personnes soient soumises à la torture ;
- le gouvernement d’Allende a violé les droits de nombreux syndicats et à fait usage de la violente contre eux ;
- le gouvernement d’Allende a violé la garantie constitutionnelle qui autorise les Chiliens à sortir du pays en exigeant d’eux des conditions non requises par la loi ;
- le gouvernement d’Allende a violé la constitution (article 10 n°16) en créant ou en autorisant nombre d’organismes séditieux (Commandos communaux, Comités de surveillance, etc.) et en leur reconnaissant une autorité illégale en contradiction avec les autorités et les organismes constitutionnels ;
- le gouvernement d’Allende a brisé le cadre de l’État de droit en formant et en développement des groupes paramilitaires et en tentant d’employer les forces armées et de polices à des fins partisanes ;
- etc.
Rappelons également la programme du parti politique du parti d’Allende : « La violence révolutionnaire est inévitable et légitime. Il est le résultat nécessaire du caractère violent et répressif de l’État-classe. Elle constitue l’unique chemin qui mène à la prise du pouvoir politique et économique et à sa défense ». « Il est possible pour le gouvernement de détruire les bases du système capitaliste de production. En créant et en élargissant l’aire de ‘propriété sociale’ aux dépens des entreprises capitalistes et de la bourgeoisie monopolistique, nous pourrons leur quitter le pouvoir économique » ; « L’état bourgeois au Chili ne peut servir de base au socialisme, il est nécessaire de le détruire. Pour construire le socialisme, les travailleurs chiliens doivent dominer la classe moyenne pour s’emparer du pouvoir total et exproprier graduellement tout le capital privé. C’est ce qui s’appelle la dictature du prolétariat »
Rappelons également qu’en trois ans de « voie chilienne vers le socialisme », le bilan des violation des droits de l’homme s’élève à une centaine de personnes assassinées, un millier blessées, 200 séquestrées, une vingtaine de journalistes torturés, etc. le tout du fait de groupes politico-militaires alliés d’Allende (par exemple, son neveu qui fut un des chefs du MIR, groupe responsable de nombreux crimes restés impunis).
c’est bien, j’étais au Lycée de St-Marc, aujourd’hui de l’Iroise.
Je n’oublie pas l’oubli du 11 septembre 1973 le 11 septembre 2001, mais peut être n’est-ce pas politiquement correct après tout…
pour un mourant, il a mis du temps à mourir ce pinochet qui a quitté londres en 99. Les anglais se sont comportés lamentablement dans cette affaire.
je me souviens bien de ce 11 septembre 73; la section de lorient où j’étais alors, s’est immédiatement réunie pour rendre hommage et lui donner le nom d’une place. Nos coeurs étaient tristes, très tristes.
lucilio nous prend pour des demeurés! Et qui en sous main organisait la grève des camionneurs pour paralyser le pays? Allende a fait des erreurs, soit, mais pinochet a fait des fautes inexcusables. On ne peut pas comparer le loup et l’agneau. Et c’est le peuple qui a payé.
« …lucilio nous prend pour des demeurés!… »
J’imagine, Noël, que tu connais bien mieux la situation politique et économique du Chili en 1973 que les 2/3 des députés chiliens qui demandèrent aux forces armées de mettre fin aux agissements illégaux et anticonstitutionnels du gouvernement Allende et l’empêcher d’instaurer une dictature socialiste (comme l’expliquent bien Eduardo Frei et Patricio Aylwin).
Pour réaliser ce programme révolutionnaire, faussement appelé de « transition démocratique vers le socialisme » (contre la volonté de la majorité de la population chilienne), Allende avait employé plusieurs méthodes : l’intervention directe dans les entreprises, l’acquisition d’actions par l’état grâce aux réserves budgétaires et à déficit public massif, les réquisitions légales d’entreprises privées grâce à l’opération connue sous le nom d’Opération asphyxie. Pour ce genre d’opération, la tactique consistait à provoquer, grâce aux cellules de l’Unité Populaire et du Front des Travailleurs Révolutionnaires (le syndicat du terroriste Mouvement de la Gauche Révolutionnaire, coupables de plusieurs centaines d’assassinats, complaisamment couverts par Allende), des conflits sociaux et des grèves dans les entreprises privées pour ensuite les accuser de ne pouvoir maintenir la production et appliquer ainsi le décret-loi 520 de 1932 qui autorisait l’intervention du pouvoir central dans toutes les industries productrices d’articles de première nécessité. Dans une interview reprise par Der Spiegel, le Ministre de l’Économie, Carlos Matus confessait : « Si l’on considère la situation sur bases des critères économiques conventionnels, nous nous trouvons, en effet, en crise… Mais ce qui est une crise pour les uns est pour nous une solution ». Tel était le projet marxiste : détruire de fond en comble la structure socio-économique chilienne pour pouvoir imposer la dictature du prolétariat.
Le gouvernement d’Allende s’empara également du système bancaire chilien. La prise de contrôle s’effectua par l’achat massif d’actions des banques privées grâce aux fonds publics (obtenus par une forte imposition ou par le recours à la planche à billet). Dans certaines occasion, la simple menace suffisait pour semer la panique chez les actionnaires et faire chuter les actions pour les acquérir à vil prix. L’inflation galopante ainsi créé et les « mesures destinées à la combattre » permirent d’établir un contrôle policier sur la population, qui aurait été autrement inacceptable. Cette inflation justifia l’imposition de prix maximum qui conduisit automatiquement (par manque de rentabilité) à une rupture de l’approvisionnement. Celle-ci servit de prétexte au gouvernement pour imposer un système de rationnement (chose jamais vue dans toute l’histoire du Chili) qui permit d’octroyer aux Juntes d’approvisionnement, naturellement contrôlées par les marxistes, des pouvoirs considérables pour contrôler la vie quotidienne des citoyens. Dans le même temps, en maintenant bas, par décret, les salaires des travailleurs qualifiés et des professions libérales, alors que se déchaînait l’inflation, le gouvernement affaiblissait la classe moyenne. L’objectif, comme on le voit, était la concentration de tout les pouvoirs entre les mains des partis marxistes. Une des autres cibles du gouvernement marxiste fut la presse et la liberté d’expression : attaques contre les journaux Mercurio,Tribuna, Mañana ; nationalisation de la maison d’édition Zig-Zag ; tortures (cas du directeur Maximiano Errázuriz, par exemple) et harcèlements de journalistes ; tracasseries multiples contre la chaîne de télévision Canal 13 ; etc.
Trois années d’expérimentations socialistes suffirent pour que le Chili se trouvât au bord de la guerre civile. Le pays finalement resta sans réserves, ne fut-ce que pour importer les denrées les plus élémentaires (le 7 septembre 1973, le gouvernement marxiste annonçait que les réserves de farine ne pouvaient couvrir que quatre jours !). La production avait chuté de 10% chaque année après que les industries aient été nationalisées et dirigées par des commissaires politiques incapables, en remplacement des anciens propriétaires ou administrateurs. Suite à une hyper-inflation (de 500% en septembre 1973 !), les commerces étaient désapprovisionnés et la majorité des biens de première nécessité ne pouvaient se trouver qu’au marché noir. Finalement, la crispation sociale apparut de forme évidente. Avec la connivence du gouvernement Allende, de grands stocks d’armes (principalement tchécoslovaque) étaient introduits dans le pays et accumulés par les marxistes. Comme ce fut le cas avec l’envoi, en mars 1972, de treize caisse de « cadeaux personnels » de Castro à Allende qui furent arrêtés à la douane chilienne : une tonne d’armes et de munitions que le Ministre de l’Intérieur, rameuté dare-dare à l’aéroport pour rabrouer des fonctionnaires trop zélés, emporta vers la maison de Allende de la rue Tomas Moro. Avec ces armes, le Mouvement de la Gauche Révolutionnaire (MIR) développait une stratégie de « pouvoir dual » parallèle au gouvernement, avec des milices entraînées par 2.000 assesseurs, essentiellement castristes, nord-coréen et tchèques. L’objectif était de faciliter la transition au socialisme par le biais d’occupation illégales de terres et d’entreprises, ainsi que l’assassinat d’opposants – le plus marquant étant celui de Pérez Zujovic, démocrate-chrétien, ancien vice-président et ministre du gouvernement Frei, prédécesseur de celui de Allende -. Les marxistes se préparaient également à une guerre civile contre les Forces armées (et ce alors que le Chili était le seul pays latino-américain où l’armée n’était plus intervenu politiquement depuis plus d’un demi-siècle) qui, comme il était évident, préféreraient lutter avant de voir son rôle usurpé par une milice révolutionnaire et le pays mené à la ruine par le marxisme.
Il y a une réalité, c’est qu’à part Thatcher, personne n’aurait donné le nobel de la paix à Pinochet.
D’ailleurs, aujourd’hui au chili, ses partisans ne s’y trompent pas, qui font dire moulte messes et prières, absoutes et te deum pour essayer de racheter son âme mal en point; parce qu’il n’a jamais rien regretté. L’église de Rome chilienne s’est fourvoyée devant son peuple, en soutenant la junte contre toute justice en donc contre la paix.
J’espère de tout coeur qu’il ne me sera pas demandé plus tard de devoir rencontrer ce personnage, je refuserai.
Je me souviens, c’était au cercle Jean XXIII de Nantes vers 66/67; Un chilien, fils de grands propriétaires terriens parlait de sa famille; sa mère, quand on venait lui demander quelque chose n’aurait jamais rien refusé à ses employés ou à leurs familles, elle aurait donné sa chemise; quant à verser un salaire, ça, jamais. C’est toute la différence entre la charité et la justice.
C’est extraordinaire de trouver à ce point des despérados partisans de Pinochet.
je n’ai aucun message particulier pour lucilio, sauf à espérer le bonheur pour lui et sa famille.
« Il y a une réalité, c’est qu’à part Thatcher, personne n’aurait donné le nobel de la paix à Pinochet. »
So what ?
« C’est extraordinaire de trouver à ce point des despérados partisans de Pinochet. »
Point n’est besoin d’être partisan de Pinochet pour ne pas se laisser abuser par la propagande gauchiste et pour rappeler que c’est le peuple chilien lui-même, par la voix de ses représentants, qui a demandé à l’armée d’empêcher Allende d’instaurer une dictature socialiste.
Réaction de JJU :
Cher Lucilio,
Pinochet est mort. Je regrette – comme tous les démocrates – que ce dictateur n’ait pu être jugé et condamné comme il le méritait. En dépit de vos arguments, il reste pour moi, l’auteur d’un coup d’État anti-démocratique, d’assassinats, de disparitions et de détournement de fonds publics entre 1973 à 1989. Les charges étaient accablantes. Le Chili attendait que justice soit rendue aux victimes des crimes commis par le dictateur comme à la démocratie dont il avait bafoué les règles.
Je n’étais pas membre du PS à l’époque, je n’y ai adhéré qu’en 1974 mais je suis fier qu’il ait soutenu Salvador Allende et avait condamné le coup d’État et Augusto Pinochet. Je suis pareillement heureux qu’il ait appelé à la solidarité pour les victimes du dictateur et soutenu leur combat pour le rétablissement de la démocratie.
Et puis si vous avez le temps, relisez donc les textes du général de Gaulle sur la légalité et la légitimité…
En effet si l’heure du tyran militaire a sonné les échos diffus d’une rupture entre pro et anti va encore raisonner durant un certain temps, en ce moment même des hordes de fidèles défilent devant la dépouille, et ailleurs dans le monde de réfugiés se réjouissent.
Il est réellement très difficile de ne pas sombré dans un Manichéisme à la mode.
Il faut condamner fermement les actes répréhensibles de toute personne investit (même tacitement ), mais pour autant la mort d’un tyran n’est jamais une victoire en soit, car « l’arbitre droit » ne s’est pas prononcer et qu’on oubli trop souvent que la responsabilité des telles personnalités se fonde avant tout sur une commune responsabilité des Hommes.
Un parallèle, serte un peu facile, avec l’Iraq et la condamnation d’Hussein me laisse perplexe :condamné à mort,cela se répétera certainement d’ailleur,un autre procés s »est ouvert contre lui récement. Cela s’inscrit a mon sens parfaitement dans le consumérisme irresponsable de notre temps :un dictateur former par son futur ennemi qui le fera périr par le biais de la justice :On est au bord de l’œdipe Freudien.Alors demeurons de vigilant observateur,car au dela de la doctrine historique,la force des tyrans est alimenté doublement par la peur, une peur asthénique entraînant le glissement vers le dénis de « l’Humanitude » pour se sécuriser. Redonnant problème de la sécurité et la liberté…
LG yvan.