Je viens de terminer cet ouvrage dont l’ambition est de peindre le chemin de croix que représente la fonction de Premier Ministre sous la Vème République. Pour peindre ce martyrologe, les auteurs ont accouché les «ex» encore en vie. Tous, sauf Lionel Jospin, se sont prêtés au jeu.
Des petites humiliations encaissées par Jacques Chirac (invité à la table giscardienne en la seule compagnie du moniteur de ski d’Anne-Aymone…) au calvaire de la crise du CPE subi par Dominique de Villepin, il en résulte une litanie de souffrances endurées tout au long d’un contrat précaire.
Le titulaire dépend, en effet, entièrement du bon plaisir de son supérieur et ne peut savoir quand cessera son bail avant que ne tombe l’oracle élyséen. De ce point de vue, la brutalité avec laquelle Michel Rocard fut congédié comme un domestique, le 15 mai 1991, demeure un modèle du genre.
Condamné à «durer et endurer», selon le mot du général de Gaulle, le Premier ministre sert donc à la fois de punching-ball à l’opinion et de paillasson au Président. Résultat, ils ne sont que deux à avoir rassasié l’appétit élyséen qui vient à celui qui s’installe à la table de Matignon, Pompidou et Chirac. Et encore, le premier dut patienter onze mois et le second sept ans pour réparer les dégâts de son passé de chef du gouvernement.
A déguster ce parcours fatal à tous ceux qui ont tenté de passer directement du rang de numéro 2 à celui de numéro 1 (Chirac en 1988, Balladur en 1995, Jospin en 2002), on regrette que Chirac n’ait pas nommé Sarkozy à Matignon.