Rétention de sûreté (5)
Mardi 29 janvier 2008 | Publié dans Blablabla...
Demain, le texte que nous avons combattu à l’Assemblée vient en discussion au Sénat. En prélude à ce nouveau débat, j’ai participé ce soir à l’émission de France Culture “Travaux publics” à 18 h 30.
Elle était réalisée en direct d’un restaurant argentin sur le boulevard St Germain et nous étions trois à nous partager le micro. Ce serait exagéré d’en conclure que ce fut un débat. En effet, Pierre Victor Tournier, qui est directeur de recherches au CNRS et l’un des observateurs les plus exigeants du milieu carcéral, Philippe Zoummerof, auteur d’un ouvrage que je vous conseille “la prison, cela n’arrive pas qu’aux autres” et votre serviteur partagions la même aversion pour la philosophie du texte de Madame Dati.
Il me semble d’ailleurs que la commission des lois du Sénat n’est pas non plus très convaincue de ses mérites. Elle, en effet, adopté des amendements qui valident nos critiques développées à l’Assemblée Nationale.
Ainsi, elle partage notre conviction que la commission chargée de prononcer la rétention de sûreté est bien une juridiction, ce qu’a contesté avec constance la Garde des sceaux. Elle a surtout estimé qu’il n’était pas possible de s’affranchir du principe de non rétroactivité de la loi pénale plus sévère. Elle a donc proposé d’introduire deux nouvelles obligations réservées aux individus les plus “dangereux” : l’assignation à domicile sous le régime de la surveillance électronique et la mesure de déplacement surveillé. Elle a en outre interdit qu’une personne condamnée à la réclusion criminelle à perpétuité puisse bénéficier d’une libération conditionnelle sans l’avis favorable de la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté.
Enfin, elle a renforcé l’évaluation, un an avant la fin de la peine, en exigeant une observation pluridisciplinaire de 6 semaines au centre national d’observation avant que la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté ne formule un avis.
Certes, ces éléments ne contestent pas la philosophie du texte mais ils vont cependant dans le bon sens. Espérons donc que la Commission des lois sera suivie par les autres sénateurs.
29 janvier 2008 at 23:33
Jean-Jacques, j’espère que tu es resté après l’émission pour profiter de la cuisine de ce resto. Si ce n’est pas le cas, je te le conseille, ainsi qu’à tous ceux qui passeront devant, un régal. Outre cet encart culinaire, je tenais simplement à te faire part de la satisfaction qu’un simple militant peut ressentir en te lisant. Loin des caméras et de la tentation des feux de l’amour, tu nous livres au jour le jour le travail indispensable et trop peu valorisé d’un député. Cela me rappelle pourquoi j’ai choisi d’adhérer au PS.
30 janvier 2008 at 23:23
J’ai assisté à l’émission de J. Lebrun au café EL SUR. Rien n’arrêtera la machine en route, la répression passera. Le niveau de civilisation d’un pays ne se mesure pourtant vraiment qu’à l’état de ses prisons.
La dangerosité est un concept vide au sens psychiatrique du terme où il est malheureusement préférable de pécher plus par excès que par défaut, tous les psychiatres experts vous le diront.
La prison n’a jamais empêché ni le crime ni sa récidive et la peine n’a jamais eu le caractère dissuasif que le social lui suppose, tous les “Politiques “le savent mieux que personne et notre Garde des sceaux encore mieux que quiconque.
Aucune prise en charge de la psychopathie quelle quelle soit, au sens psychiatrique du terme, ne peut être envisagée qu’une par une et chacune pour elle-même.
Il n’existe plus actuellement assez de psychiatres, de psychothérapeutes en prison pour qu’un tel travail puisse se faire dans les murs. Même si certains d’entre nous ont réussi des prises en charges à l’intérieur (J’ai travaillé 24 ans et 6 mois à la M.A. Santé comme psychiatre et je vois encore dehors des patients que je suivais au SMPR) le nombre de prises en charge et si faible qu’on peut affirmer haut et fort “Il n’y a pas de psychothérapie possible en prison”.
Amicalement à vous.
31 janvier 2008 at 10:26
Merci Pariente, c’est très important ce que vous affirmer; pas de possibilité de soins psychothérapeutiques en prison.
Alors la question est ou?
Mais cela me donne la possibilité de dire ce que je pense: la taule est un lieu de privation de liberté d’aller et de venir à sa guise comme bon lui semble. Un malade en arrêt de travail maladie aussi ne peux pas aller et venir à sa guise, et pourtant il n’a pas été juger et ce n’est pas une punition .(quoi-que)
Un malade en arrêt est vu par le médecin conseil de la sécu qui “juge” si son arrêt est justifié et si son traitement médical est pertinent, cela peut aller jusqu’à l’injonction a son médecin traitant de faire pratiquer un examen par exemple. Et un homme ou une femme en prison à aussi un médecin qu’il voit quant il ya des bobos ou des maladies . Certaines maladies psychomatique sont liés à une pertubation mental , la pratique médicale va jusquà soigner le mental . Et quand une personne qui à tuer violer etc.. et qui demande un soin pour un bobo en taule , là l’appareil médical (défaillant) se met en branle autour de ce patient. Pourquoi ne pas aller au bout de cette démarche médicale normale ?
Par manque de psy?
Je propose q’une analyse médicale soit systématique (cela est obligatoire pour faire certains métiers) pour tout prisonnier qui rentre en prison , et que si le médecin diagnostique après avis d’un spécialiste une pathologie “mental” le transfert dans un centre spécialisé de soins en milieux carcéral. Ceci avant de penser à l’enfermement à vie qui est peu-être la seule solution pour un prisonnier malade qui refuse un traitement chimique garantissant le non passage à l’acte!
31 janvier 2008 at 17:51
la prison pas dissuasive de la récidive; la psycho… inutile en prison. Alors, on fait quoi et où et pour combien de temps.
la dangeurosité ne peut être prouvée que lorsque la personne a commis un acte délictueux.
je suis entièrement contre la peine de mort, on ne reviendra pas la dessus; mais il faut bien reconnaître que ça bloque la récidive!
sur la liberté conditionnelle, elles en pensent quoi les victimes?
31 janvier 2008 at 23:03
L’enchaînement des arguments est assez étonnant. Jacques Canevet arrive à la conclusion « pas de possibilité de soins psychothérapeutiques en prison » alors que l’argumentaire de Pariente semble plutôt dire, c’est en tous cas ma lecture, que c’est une question de moyens.
D’autre part, je me fais ici le relais d’une autre expertise que celle de Pariente. Cette expertise vient d’un ami psychiatre qui m’a affirmé lors d’une longue conversation que j’ai eue avec lui sur la rétention de sûreté que la dangerosité a du sens d’un point de vue psychiatrique. Avec ce point de vue, il est possible de savoir si un individu est dangereux et risque fortement de récidiver ou non. Il y a, il est vrai, une teneur probabiliste, mais qui permet de mesurer les réels risques de récidive. Je précise que cet ami est plutôt de gauche.
Les réels moyens mis à disposition sont donc un enjeu majeur pour que cette loi ne devienne pas arbitraire. C’est sans doute ce sur quoi le texte de loi doit s’engager.
Est-ce un choix cornélien entre un « pour une loi qui adresse un vrai sujet » et un « contre une loi avec des risques de dérives » ? En tant que socialiste modéré, je ne le crois pas. Mieux vaut donc amender cette loi, tout en défendant des valeurs qui ne sont pas celles de Rachida Dati et des députés de droite qui ont voté la loi à l’Assemblée, et qui peuvent devenir maintenant le privilège des socialistes.
1 février 2008 at 9:11
Roland, je ne peux pas laisser dire que c’est ma conclusion, mais c’est celle de Pariente et celle aussi plus général des acteurs de la santé qu’ils soient médecin ou responsable “sécu” ce qui a été mon cas pendant une dizaine d’année en tant qu’administrateur ( au centime près nous connaissons les dépenses de santé des pensionnaires des prisons). Mais ok avec vous c’est un problème de moyen, et ceci est tellement flagrant qu’il est presque inutile de le préciser à chaque intervention , et Pariente ne fait que concrétiser par son expérience ce que tous nous savons!
Une autre chose et qui déborde très largement du cadre pénitentiaire , c’est le nombre de médecins formés. Dans la médecine scolaire , du travail, pénitentiaire, nous avons un déficit de candidats , et en plus il faut 10ans pour former un spécialiste! Alors je réitaire ma proposition, des centres pénitentiaires spécialisés , après “analyse” médicale obligatoire , et là nous pouvons concentrer des moyens !
Je ne sais pas ce que c’est un socialiste modéré , mais je connais la valeur d’une conviction qui s’appuie sur des faits . Et ceci démontre que ce qui se passe sur le plan de la médecine spécialisé au plan national avec la politique de santé “libéral” appliquée depuis que la droite est au pouvoir , a des répercutions “mécanique” sur la santé en général et sur celle des conditions d’incarcération en particulier!
2 février 2008 at 23:50
Jacques,
J’ai été trop rapide en effet et je m’en excuse.
Ce qui m’a fait réagir, c’est l’affirmation « pas de possibilité de soins psychothérapeutiques en prison ». Je pense qu’on ne peut pas se résigner à cette situation.
Tout d’abord, parce que la psychiatrie doit avoir sa place dans les prisons pour évaluer la dangerosité des individus concernés de façon à éviter les récidives de violations de l’intégrité des victimes et des familles. La psychiatrie est le seul moyen de le faire. C’est donc la responsabilité que doivent prendre les psychiatres en délivrant leur expertise aux instances juridiques.
Ensuite, parce que la prison doit aussi jouer son rôle de réinsertion, et c’est le développement que vous faites en proposant le transfert des personnes concernées dans des centres spécialisés de soins en milieu carcéral.
Je souhaite également repréciser ce qui m’amène à m’exprimer sur le sujet. Le PS m’a semblé trop intellectualiser les débats (voir les comptes-rendus de l’Assemblée Nationale), et sans prendre en compte la réalité. Intellectualiser le débat est certainement nécessaire, parce que ça permet de raisonner avec du recul et en dehors de l’immédiateté, mais ce n’est pas suffisant. Les politiques doivent également adresser la réalité. Il y a là une vraie attente des citoyens et, pour ma part, je préfèrerais que cette attente trouve sa réponse dans une politique à valeurs socialistes.