Etat de droit ou droit du chef de l’Etat ?

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sarkozyal.jpgNicolas Sarkozy vient de demander à Vincent Lamanda, premier président de la cour de Cassation de rechercher des solutions pour rendre la rétention de sûreté applicable immédiatement, une disposition pourtant censurée par le Conseil constitutionnel jeudi.

Cette initiative du Chef de l’Etat est inédite dans les annales de la Vème République. Comme le dit Pascal Jan : « C’est une démarche surprenante, déroutante et pour tout dire choquante« . Comment, en effet, ne pas y voir une volonté de contourner la décision du Conseil Constitutionnel ?

Il faut donc rappeler qu’au terme de l’art. 62 de la Constitution « Les décisions du Conseil Constitutionnel ne sont susceptibles d’aucun recours. Elles s’imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles. »

Or à ma connaissance, le Président de la République est une « autorité administrative » et la Cour de cassation « une autorité juridictionnelle ». Ni l’un ni l’autre, y compris dans sa formation de jugement, ne peuvent donc aller contre une décision du juge constitutionnel.

La seule voie possible juridiquement parlant pour que le dispositif que vient de censurer le Conseil soit applicable, c’est la révision de la constitution…

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11 réponses à Etat de droit ou droit du chef de l’Etat ?

  1. UBO's studiant dit :

    Je suis choqué !

    Il y a une telle victimisation de la société qu’elle finira par remettre en cause l’État de Droit !

    Comment M.Sarkozy, connaissant le droit, peut même penser faire fi de la décision de Conseil constitutionnel ? Il croit sans doute, dans son narcissisme absolu, que cette décision a été rendue contre lui (par le clan Chirac ?)…

    Si on commence, et que l’on réussi, à remettre en cause les décisions du Conseil constitutionnel pour cette loi, qu’est-ce qui empêchera M.Sarkozy (ou ses successeurs), de le faire sur d’autres lois (qui pourrait être encore plus grave) ?

    Et quand j’entends Mme.Morano dire que le PS « se place du côté des assassins », mais quelle démagogie dans ses propos !
    Le PS ne défend pas les assassins, le PS défend l’État de Droit. Et bien que je n’aime guère le PS (Mme.Royal surtout), je suis totalement d’accord avec lui sur cette question.

  2. Pr Pascal JAN dit :

    Le président de la République a déjà saisi le prémier président de la Cour de cassation de certains sujets mais JAMAIS pour contourner l’Etat de Droit, pour le nier, le dénigrer à ce point. On franchit ici l’inadmissible de la part de celui qui est garant de notre Constitution. heureusement qu’il n’est pas le seul ! La Constitution n’est pas si mauvaise puisque les décisions du Conseil constitutionnel s’imposent aux pouvoirs publics, donc au président de la République (ainsi qu’aux autorités juridictionnelles mais il y a moins à craindre de ce côté).

  3. Rodolphe dit :

    Monsieur Jan, Monsieur Urvoas,

    l’article 68, alinéa 1er de la Constitution, nous apprend que « le Président de la République ne peut être destitué qu’en cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l’exercice de son mandat… » Cette rédaction met fin à la « haute trahison ».

    Or, quels sont les éléments pouvant permettre d’entrevoir un « manquement à ses devoirs », de manière générale ? Peut-on imaginer – sans esprit léger – que celui qui a été élu en mai dernier fasse, à force d’entorses, dérapages et autres violences aux principes républicains, l’objet d’une telle procédure, peut-être la plus grave, avec son opposée prévue à l’article 16, s’il continue sur cette voie ? Ou alors la réforme n’a t-elle eu pour seul but que de changer la formule ?
    Merci.

  4. Roger dit :

    J’attends quelle va être l’attitude du président de la Cour de Cassation. Saura t il ou osera t il donner une leçon de Droit au Président de la République?

  5. Roland B dit :

    Parfaitement scandaleux. L’arrogance et l’hyper activisme de Nicolas Sarkozy et de Rachida Dati vont jusqu’à bafouer les fondamentaux de notre Constitution.

    Une fois cela dit, le PS me semblent manquer encore une fois de pragmatisme, au point de se faire accuser d’être du côté des assassins. Le PS a des positions telles que la droite a tout loisirs de mettre en place un débat manichéen où la droite est du côté des victimes et la gauche du côté de la justice de responsabilité, de l’Etat de Droit ; un débat manichéen avec une droite pragmatique à laquelle la gauche oppose des positions de principe. Ces positions de principe sont nécessaires, bien sûr, mais pas suffisantes.

    Je me mets personnellement également du côté des victimes. On ne peut pas nier que l’Etat doit assurer la sécurité des citoyens et ce n’est pas faire de la victimisation de la société que de le dire. C’est un fait. J’ai personnellement été touché par le témoignage plein de dignité du père d’Anne-Lorraine sur ce blog ; cela me semble humain et je suis pour une société humaine.

    Par ailleurs, je reprendrai ici les propos de Jean-Jacques Urvoas à l’Assemblée nationale : « Ce texte [sur la rétention de sûreté] est aussi inutile, car nous disposons d’outils juridiques suffisants pour lutter contre la récidive : la loi Guigou de 1998, la loi Perben de 2004, la loi Clément de 2005, l’hospitalisation d’office, le suivi socio-judiciaire, le bracelet électronique, la surveillance judiciaire, l’inscription au fichier judiciaire national automatisé des infractions sexuelles ». Les lois contre la récidive existent donc et, comme cela est démontré par ailleurs, ne sont pas appliquées correctement.

    Voilà donc la position que je souhaiterais voir défendre par le PS : demander publiquement au Chef de l’Etat et à la Garde des Sceaux de donner les moyens d’appliquer les lois qui existent contre la récidive au lieu de proposer de nouvelles lois en bafouant les fondamentaux de la démocratie. Sans moyens, ces nouvelles lois ouvrent en grand les portes de l’arbitraire, ce qui serait encore plus indigne d’un Chef d’Etat élu au suffrage universel.

    Amitiés

    Roland

  6. PierKa dit :

    Ce n’est pas une première pour Sarkozy. Rappelons-nous le paquet fiscal. Le conseil constitutionnel avait censuré la rétro-activité de la déductibilité des intérêts d’emprunt. Ce qui avait provoqué (mais on sait qu’il en faut peu) l’ire présidentielle et poussé Sarkozy à nous expliquer que « c’était par la faute du conseil consitutionnel » qu’il ne pouvait pas nous faire ce cadeau. Pour celui qui est le garant des institutions, c’est du meilleur effet.
    Petite devinette : quelle la dernière fois, dans l’histoire de notre beau pays, que l’état est revenu sur sa parole en promulgant une loi rétro-active?

  7. Philippe dit :

    Une seule question, monsieur URVOAS :
    Que proposez vous pour empêcher Thierry X , condamné pour viol en récidive, Dominique Y, condamné pour viol avec armes sur plusieurs victimes, Moise Z, condamné pour viol avec armes dans le RER, etc, et qui vont ressortir en 2008 de récidiver une seconde voire une troisième fois?
    Voilà la seule question qui vaille ?
    Faut-il les laisser faire ?
    Personnellement notre famille a donné. Mais vous, êtes vous prêt à tenter le pari avec votre femme? votre fille? votre soeur ?
    Ma question est simple et mérite donc une réponse simple : que faire, quelle mesure conservatoire prendre ?

    Réaction de JJU :

    Cher monsieur,
    Je suis certain que vous avez lu mon explication de vote lors du débat sur le texte « rétention de surêté », alors vous connaissez ma réponse.
    Respectueusement votre

  8. Emmanuel dit :

    Ce débat devrait être l’occasion de lire Michel Foucault et de s’interroger sur le sens des peines de prison dans notre société.

    http://www.monde-diplomatique.fr/2003/06/FRIZE/10211

    >Pierka, c’est vrai que NS s’évertue depuis qu’il est élu à renouer avec une certaine tradition vichiste (atavisme quand tu nous tiens) …

  9. PierKa dit :

    Monsieur Philippe,
    vous mettez le doigt sur le point central du dysfonctionnement du système judiciaire : la réinsertion des condamnés ayant purgé leur peine. Que faire de ces gens?
    Mme Dati et M. Sarkozy propose la rétention administrative tant qu’il y risque « présumé », avec soin à la clé. Mais ce n’est être inhumain ni avec les victimes ni avec leurs bourreaux que de simplement dire, demander, exiger que la question de la réinsertion soit traitée au cours de la peine plutôt qu’après.
    Aucune peine ne peut effacer le préjudice des victimes. Une société ne peut alors que se grandir en tentant de réinsérer ceux qui l’ont desservie plutôt qu’en les éxcluant.

  10. Philippe dit :

    Ce qui importe n’est pas votre explication de vote mais l’état final recherché Monsieur URVOAS;
    Or vous bafouez la mémoire des victimes par votre vote.
    C’est ce que constatons.
    En attendant vous vous gardez bien de vous engager à des propositions concrètes …

  11. Christophe Osswald dit :

    Merci de défendre l’État de droit, M. Urvoas !

    J’espère que la belle unanimité qui a manqué au PS lors de la récente réforme de la Constitution pour bloquer un recul de la démocratie saura se construire pour bloquer M. Sarkozy sur la non-rétroactivité de lois.

    Et pour éviter qu’on ne retrouve des détenus « dangereux » qui arrivent en fin de peine sans avoir été soignés, il faudrait peut-être renforcer l’obligation pour l’État de fournir les moyens de ces soins :
    - après 20 condamnations à des peines longues (15 ans ou plus) avec obligation de soin, augmentation d’une unité du numerus clausus de la spécialité psychiatrie en médecine.
    - pour chaque condamnation avec obligation de soin, l’État devra verser 3000€ par an à un organisme indépendant, dont la seule mission sera d’assurer le suivi et les soins psychiatriques, psychologiques et sociaux des détenus dits « dangereux ».
    - un détenu condamné à une longue peine sans obligation de soin pourra, au cours de sa détention, demander une expertise psychologique et être requalifié comme nécessitant des soins. Les obligations de l’État à son égard deviennent les mêmes (numerus clausus, moyens financiers) que si le qualificatif avait été déterminé lors du procès.

    S’il s’agit de diminuer au maximum le risque de récidive, le solution est simple : peine de mort dès la première condamnation.
    S’il s’agit de limiter le risque de crime, il suffit de tuer tout le monde… mais il n’y a plus de société. Et il faudra faire confiance au bourreau pour se suicider à la fin ?

    Une société juste ne peut exister qu’en équilibre entre la protection des citoyens (victimes, futures victimes, victimes possibles, etc …) et la réhabilitation des condamnés à l’issue de leur peine.
    À partir de combien d’années de détention un meurtrier devient-il la victime d’une séquestration plutôt qu’un condamné purgeant sa peine ?

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