Comme toute décision de justice, celle du Conseil Constitutionnel sur la loi créant la rétention de sûreté ouvre la porte à une querelle d’interprétation. Chacun voudra y trouver un motif de satisfaction pour ne pas perdre la face. De fait, dès sa publication, la Ministre s’en est félicitée.
Pour ma part, je suis d’abord profondément déçu par son contenu. Le Conseil constitutionnel, en dépit de l’activisme médiatique de son président, s’engonce dans un conservatisme dont pâtit le droit. En d’autres mots, il n’ose plus, à l’instar d’autres institutions aller à l’encontre de l’opinion.
En l’espèce, l’incroyable tentative de pression tentée hier par la Chancellerie via le Parisien, qui a publié une liste de « 32 détenus dangereux qui seraient libérés si la loi était censurée», démontre combien il est difficile de tenir un langage de raison. Il fallait du courage pour censurer cette loi et oser qualifier la rétention de sûreté de peine contraire à l’article 8 de la déclaration des droits de l’homme comme nous le demandions. L’âge d’or du conseil est loin…. Peut être d’ailleurs faut-il y voir comme explication qu’à l’époque, les professeurs de droit y étaient plus nombreux (Georges Vedel, Robert Badinter, Jacques Robert…).
Il y a quand même un motif de satisfaction : la loi est vidée de son sens. Le Conseil a rendu l’applicabilité immédiate impossible pour les condamnations antérieures ou celles à venir mais pour des faits commis antérieurement à la loi alors même que ce n’est pas une peine. Du coup, le dispositif ne jouera qu’en 2023…
Espérons que d’ici là, une majorité progressiste à l’Assemblée retrouvera les moyens d’abroger cette loi scélérate.