Je rentre de Paris où ma semaine parlementaire fut consacrée à la discussion d’un projet de loi sur les « contrats de partenariat », autrement baptisés « Partenariat Public Privé ».
J’en ai déjà parlé dans mes notes du 17 et du 18 juin. Ce fut un débat parlementaire assez édifiant. L’ambition du ministre très dérégulateur Hervé Novelli, qui avait initié ces PPP quand il était député dans la précédente législature, est de permettre aux « majors du BTP » de récupérer 15 % des 150 milliards d’euros annuels de commandes publiques.
Aux seuls motifs d’aller plus vite et de ne pas endetter l’Etat ou les collectivités, ces PPP permettront à Bouygues et consort de s’émanciper des règles de la concurrence.
Le sujet est donc lourd et il suscite une violente hostilité des PME, de l’ordre des architectes et de leurs syndicats, des géomètres, des entreprises de second œuvre… Ceux-ci se sont d’ailleurs payés une page de publicité dans le Monde de mardi pour exhorter les députés à voter contre le texte.
Et bien pourtant à l’Assemblée, nous étions 4 socialistes mobilisés, 1 communiste, le rapporteur, 3 députés UMP et 2 Nouveau Centre. Et pourtant la loi s’appliquera à tous. Il nous reste à préparer le recours devant le conseil constitutionnel.
Mon intime conviction
Une Grande entreprise privé, propriété d’un certains nombres d’actionnaires, est dirigés par le représentant que ses actionnaires se sont donnés. Cette entreprise, si elle veut continuer à faire des bénéfices au profit de ces actionnaires, doit se développer en faisant le moins possible de dépenses autres que celles nécessaire à son développement ! Les considérations comme l’environnement, le mieux –être de ses salariés ou de la finalité du « produit » fabriqué et vendu, ne peuvent pas être pris en compte dans la stratégie et le management de l’entreprise, car ce n’est pas le propos du capitalisme ! Et même avec une gouvernance élargie aux représentants des salariés, l’environnement et la finalité du produit ne peuvent être pris en compte ! Je pense plus particulièrement aux sociétés privé de tabac ou celles qui fabriquent des OGM pour l’agriculture comme MONSANTOS, des conflits d’intérêts s’opposent d’où le LOBING (que le plus fort gagne) !
Mais en se concerne les entreprises nationalisées, si l’Etat en est le garant, il est lui-même juge et partie, seul quelques « agents » dans le concret du quotidien gouverne l’entreprise, avec tout les avantages, mais aussi tout les désagréments pour le citoyen –consommateur. Le citoyen n’a pas plus ou beaucoup plus de pouvoir à EDF nationalisé que privatiser. Je dirais même dans l’absolu, que EDF coupait le courant autant avant, que maintenant aux personne en difficulté financière ; les investissements dans les autres énergies que nucléaire sont minorés, par rapport aux pays voisin comme l’Allemagne !
Dans certains pays, il arrive que les entreprises nationales et les services publics servent plus que dans d’autres les intérêts du pouvoir, notamment dans les pays pas ou peu démocratiques. Utilisés pour des objectifs essentiellement de pouvoir, ils ne peuvent assurer pleinement leur fonction normale, l’égalité des citoyens n’est plus respectée !
En faisant le tour rapide de la question, je m’aperçois que c’est plus un manque de démocratie, que d’un manque de société propriété de l’Etat qui nous manque. En effet la prise en compte de manière systématique (et donc légalisé) des actionnaires mais aussi des salariés et des citoyens –consommateurs, dans les stratégies et gouvernances des entreprises privé ou publique est à mon avis nécessaire dans la sociale démocratie que nous voulons pour nous, mais aussi pour les générations a venir !
Bien-sure la définition du bien commun, de la propriété de tous (eau, air etc..) est à définir avant !
Un bel éxemple:
Le PPP du Château de Versailles imposé par Christine Albanel implose 15 mois après ! !
Le 28 mai 2008, la direction de l’Etablissement Public du Château de Versailles a décidé de mettre un terme au PPP signé il y a un peu plus d’un an par Christine Albanel, alors Présidente de l’établissement, avec la société Unilog (aujourd’hui Logica).
article sur http://www.cgt-culture.fr/publication/article.php3?id_article=705
il est particulièrement navrant que nos parlementaires de Gauche se sentent si peu impliqués dans le vote de dispositions qui remettent en cause de manière aussi fondamentale les équilibres nécessaires entre prérogatives des pouvoirs publics et action privée .Le sarkosisme comme les politiques de droite antérieures ne se trompent pas d’objectif , les PPP permettent des hold-up sans précédent et impactent les politiques publiques puisqu’ils introduisent l’idée que le secteur public n’a pas de raison d’être et qu’il est plus rentable pour les collectivités locales d’externaliser les missions qui leur sont dévolues par la loi . C’est toujours le même scénario comme au bon vieux temps de l’affermage de l’eau avec toutes les surfacturations qui ont comme par hasard profité aux grands groupes amis du pouvoir .
Ci joint un article qui tend à démontrer une fois encore le piège des PPP et que l’argument selon lequel les PPP permettent à l’Etat de reduire sa dette ne tient pas la route
http://boulesteix.blog.lemonde.fr/2008/06/13/ppp-solution-ou-piege/
PPP : solution ou piège ?
Les Partenariats Public Privé (PPP), institués en 2002, se généralisent. On en parle beaucoup, en ce moment, pour le financement du Plan Campus . De quoi s’agit-il ? Auparavant, les équipements publics étaient financés par de l’argent public. Il s’agissait d’un investissement collectif, bénéficiant souvent à plusieurs générations. Ces investissements publics pouvaient avoir recours à l’emprunt d’Etat. C’est un système qui a fait ses preuves, permettant à la France de se doter d’Universités, d’autoroutes, de centrales nucléaires, d’équipements culturels, sociaux ou éducatifs.
Les PPP transfèrent au secteur privé l’investissement, le bénéficiaire (Etat, collectivités locales ou établissement public) payant un loyer avant de trouver la pleine propriété de l’équipement au bout de 25 ou 30 ans.
Premier argument avancé, notamment par la Banque mondiale, l’OCDE ou la Banque européenne d’investissement : diminuer la dette publique. Certains pays, en effet, dépassent la barre mythique et artificielle de 60% de PIB d’endettement imposé par Bruxelles. La France est à 64.2%, l’Allemagne à 65%, l’Italie à 104%, et d’une manière plus générale, la zone Euro à 66.4%. Donc, en recourant à l’investissement privé pour les équipements publics, on diminuerait l’endettement national. Rien de plus faux ! Les loyers que doivent payer les bénéficiaires publics, sont en fait une dette à rembourser sur une longue durée. Concernant l’endettement, il est le même, même s’il n’apparait plus dans les comptes. Il s’agit donc d’une dissimulation.
Second argument avancé : un coût maîtrisé. Il est vrai que lors de leur construction, les équipements publics voient souvent apparaître des sur-coûts, souvent conjoncturels (prix du foncier, coût de la construction, …). Naturellement, dans le cas d’un PPP, c’est la même chose, et le contrat prévoit d’ailleurs tous ces cas. Mais surtout, la Cour des Comptes a mis fin à ce mythe. Les partenariats public-privé ont été fortement critiqués par le rapport 2008 de la Cour des Comptes qui montre sur des cas concrets un sur-coût important des opérations pour l’Etat, jusqu’à 40 à 50% (voir des exemples précis dans un billet précédent ).
Troisième argument avancé : la diminution de la durée des travaux. La rocade L2 est maintenant financée par un PPP. La mise en service de la partie Est, en travaux depuis des années, ne se fera qu’en 2011 et le raccordement de la partie Nord à l’autoroute A7 ne se fera qu’en 2015. Comment pourrait-il d’ailleurs en être autrement ? Ce sont les mêmes entreprises de travaux publics qui construisent, dans tous les cas, les infrastructures…
Comme on le voit, il y a, derrière les PPP, un côté très “idéologique” et qui va toujours dans le même sens : la privatisation des actions de l’Etat, qui touche aussi bien d’ailleurs les fonctions “régaliennes” (Ministères de la Défense ou de la Justice). Marseille n’échappe pas à cette idéologie. Sans aucune étude sur l’éventuel sur-coût pour la collectivité du recours aux PPP, on veut toujours plus y recourir pour les infrastructures routières (rocade L2), de transports en commun (Métro), de salles de spectacle (silo Arenc), d’hôpitaux, de constructions universitaires (plan campus) … Une inflation !
Cette déferlante des PPP a débuté en fait assez récemment, avec les contrats de type PFI (Private Finance Initiative) apparus en Grande-Bretagne depuis 1992, contrats dont se sont inspirés de nombreux pays. Que retrouve-t-on encore derrière ? Les fonds de pension. De nombreux experts évoquent en effet à l’horizon 2030 le rôle croissant des fonds de pensions au regard d’une puissance publique qui finance de moins en moins ses infrastructures.
Mais les sur-coûts induits par le recours aux PPP commencent à inquiéter certains gouvernements. Au Royaume-Uni, le premier secteur bénéficiant du PFI, les hôpitaux ont désormais de lourdes charges annuelles de remboursement, les taux d’intérêt des emprunts sont supérieurs aux taux qu’aurait pu obtenir l’État britannique (si il avait choisi d’utiliser l’emprunt ce qui n’est pas le seul choix possible). Selon la revue Alternatives économiques (n°246 Avril 2006), le gouvernement britannique freine désormais ce type d’initiative.
Au Canada, autre pays où les PPP se sont largement développés, les études gouvernementales montrent qu’en fin de compte, ni l’Etat, ni donc le contribuable ne sont bénéficiaires (voir ici ).“L’étude met clairement en lumière l’absence de responsabilité politique en cas de problème, le « blindage » de contrats qui coûtent une fortune à modifier en cas de révision des priorités publiques, et des plans de développement si jalousement gardés que seule l’entreprise qui a remporté l’adjudication initiale sera en mesure de soumissionner lors des appels d’offres subséquents. Le bilan est sans appel : les Partenariats public-privé minent la démocratie, nuisent aux petites entreprises et n’entraînent pas d’économies pour les contribuables.” L’étude publiée par la Fédération canadienne des municipalités, sans équivalent en France à ce jour, ce qui en dit long sur l’emprise qu’y exercent les tenants des PPP.
Il convient donc de restaurer, en France, l’Etat dans son rôle d’investisseur pour les générations futures. Il n’y a aucune raison que les cadeaux fiscaux, grevant le budget national, conduisent à transférer au secteur privé des investissements collectifs à long terme, et que le contribuable, in fine, en soit victime. Le recours classique à l’emprunt permet l’étalement des dépenses publiques. Le plafonnement de l’endettement imposé par Bruxelles et favorisant les PPP, aboutit à des dépenses supplémentaires et à des privatisations de fait. Aussi, si des PPP sont envisagés, il convient de s’assurer que le coût final en serait réellement inférieur à celui d’un fiancement public conventionnel.
13 juin 2008 Publié Actualité, Politique, Marseille | Lien permanent | Alerter
PPP, la fausse bonne idée: entrevue avec Jean Pierre Sueur
Le Sénat a examiné, début avril, en première lecture, le projet de loi relatif aux contrats de partenariats, plus connus sous le nom de « partenariats publics privés » (PPP).Une vraie fausse bonne idée, selon Jean-Pierre Sueur, sénateur du Loiret.
Le gouvernement souhaite faire des PPP un outil de droit commun de la commande publique. Ce principe n’est-il pas contraire à la philosophie française du financement des services publics ?
Les Partenariats Public-Privé (PPP) consistent à confier en bloc à une entreprise importante ou un grand groupe la conception, la construction, le financement, l’exploitation, la maintenance et l’entretien d’une réalisation publique. Concrètement, il n’y a plus de concours d’architecture, donc d’accès de tous les architectes à la commande publique. Il n’y a plus, non plus, de libre accès des entreprises du bâtiment, des PME, des artisans à cette même commande publique.
L’État choisit tous les intervenants qui doivent passer sous les fourches caudines du groupe retenu. Il est paradoxal que les libéraux défendent fermement un système qui réduit considérablement l’accès à la concurrence ! C’est ce qui explique l’opposition de nombreux architectes, du SNSO (qui représente les entreprises de second oeuvre), ou de la CAPEB (qui représente les artisans du bâtiment).
Quelles réponses politiques les sénateurs socialistes ont-ils apporté aux PPP ?
Nous avons saisi, dès 2003, le Conseil constitutionnel de la loi d’habilitation puis de l’ordonnance qui a créé les PPP. Celuici a conclu à l’impossibilité de déroger aux exigences constitutionnelles garantissant « l’égalité devant la commande publique », à l’exception de cas très particuliers liés à l’urgence ou à la complexité des projets.
Or, le projet de loi que le gouvernement vient de déposer et qui a été débattu par le Sénat prévoit de généraliser la formule et de faire des PPP un moyen de droit commun pour les réalisations publiques. Comment ? En disposant qu’outre l’urgence et la complexité, un autre critère peut justifier le recours aux PPP – le fait que ce soit « plus avantageux », critère éminemment objectif ! – et en décrétant que jusqu’en 2012,tout ce qui relève de la santé, de la justice, de la sécurité, de l’environnement, de la ville,des transports – c’està- dire tout ! – revêt un caractère urgent. Les sénateurs socialistes se sont élevés contre ce dévoiement de la décision du Conseil constitutionnel.
Cette formule n’est-elle pas financièrement attractive pour l’État et les collectivités ?
Dans les apparences, seulement, puisque dans un premier temps, l’État ou les collectivités ne paient rien. Le groupe choisi pour finaliser le projet prend tout à sa charge. Mais les apparences sont trompeuses, puisque ensuite, durant dix, vingt, trente ou quarante ans, les intéressés devront payer…
On s’en remet donc aux générations futures pour financer un équipement dont on souhaite avoir l’usage rapidement. Et ce, même s’il faut, au préalable, « démontrer » que le recours au PPP se révèlera moins onéreux qu’un marché classique (avec un emprunt de l’État ou de la collectivité). Ce qui est bien sûr « indémontrable ».
Propos recueillis par Bruno Tranchant
Les partenariats public-privé sont nuisibles et minent la démocratie
5 commentaires samedi 8 septembre 2007, par Marc Laimé
Voir cet article
http://blog.mondediplo.net/2007-09-08-Les-Partenariats-Public-Prive-PPP-sont-nuisibles
tous contre les PPP ! (Article)
http://www.batiactu.com/data/24062008/24062008-155013.html
Lecture du débat du compte rendu de l’assemblée nationale particulièrement édifiant….
http://www.assemblee-nationale.fr/13/cri/2007-2008/20080206.asp
Réaction indignée de l’astrophysicien Jacques Bouleteix sur le Monde.fr à la lecture du compte rendu du débat à l’assemblée nationale visant à généraliser l’application des partenariats-publics privés à l’ensemble des constructions publiques, qui aura pour effet des dizaines de milliards d’euros d’équipements publics, adopté sans bruit en session nocturne par 10 députés présents dans la salle ce jour là…
http://www.assemblee-nationale.fr/13/cri/2007-2008/20080206.asp
PPP – Ou situer l’intérêt public ? Ou commence la mise en danger d’autrui ? L’exemple de l’université Paris Diderot
14/04/2010 Polémique parisienne, un des premiers P.P.P ( Partenariat-Public-Privé ) entre les universités parisiennes, semble battre de l’aile. L’édifice à construire se situe au coeur de Paris-rive-Gauche, au dessus de futures voies ferrées. Cet édifice à destination universitaire fait l’objet d’un PPP, la maîtrise d’ouvrage en étant l’Université Paris VII, par ailleurs engagée dans un jeu de chaises musicales du fait de la rénovation du campus de Jussieu.
L’Université est représentée par François Montarras, vice-président de l’Université, architecte de formation, sensé défendre les intérêts universitaires, donc du contribuable. L’entreprise lauréate est la société Vinci, l’équipe de conception est ici représentée par Philippe Blandin, architecte, qui n’a pas les yeux dans sa poche, et ne décolère pas.
Comme chacun le sait, chaque typologie de bâtiment se voit attribuer une obligation de satisfaire à une surcharge d’exploitation donnée. En clair le logement c’est 125 Kn/m2, le tertiaire c’est 250Kn/m2, et les universités ce sont 400Kn/m2. Ces chiffres, décidés de façon législatives, sont sans doute sujet à caution, mais ils correspondent à la norme définie. Il n’est donc pas aisé, par exemple, d’aménager une université dans un immeuble initialement conçu pour le tertiaire, même si les coefficients de sécurité sont conséquents : ( de près de 1,7,)
Qu’à cela ne tienne, par un savant jeu d’optimisation l’entreprise ne peut résister à adapter les projets de construction quitte à “parcelliser chaque plateau en fonction de l’affectation présente des espaces. Ainsi un plateau se retrouve avec une salle de conférences à 500Kn/m2, mais enclavée sur un plateaux à 250 Kn/m2. Cherchez l’erreur.. Pire le découpage devient si complexe pour certains niveaux, qu’il obère définitivement tout réaménagement possible des plateaux à l’avenir. Qui se souviendra dans dix ans que ces espaces de bureaux ne peuvent être affectés à la surcharge des laboratoires ? des salles de cours ?
A l’échéance du P.P.P, l’entreprise se doit de rendre les locaux en bon état, même si l’aménagement général sera périmé et intransformable.
L’obligation des 400Kn/m2 pour les bâtiments universitaires n’est pas respectée.
Se rendant compte de cette situation les architectes ne voulant engager leur responsabilité en concevant des locaux universitaires aux seules normes du tertiaire, refusent un tel état de fait. Curieusement la maîtrise d’ouvrage, pourtant concernée par l’adaptabilité de son édifice et de son respect des normes, semble fermer les yeux et se range du coté de l’entreprise, du coté du plus fort, sans doute pour se rassurer.
Une particularité très française, les commissions de sécurité s’inquiètent du respect des réglementations incendie…. pas des surcharges d’exploitation. Personne ne viendra donc contrôler le respect de la réglementation en ce qui concerne la capacité de résistance des dalles. Une dalle c’est du béton et de coûteuses armatures métalliques.
Cependant si demain un accident survient, les documents sont rédigés pour laisser penser que les surcharges d’exploitation ne sont pas connues au moment de la conception, ce qui dégagerait la responsabilité de presque tout le monde, sauf de l’architecte qui au titre du conseil est responsable de voir venir le loup, subtil non ?
Récompense de l’honnêteté et de la défense de l’intérêt général, les architectes ont été remercié par Vinci…. Veni, vidi, quoi ?
Mais Paris VII semble prendre certaines libertés avec les surcharges d’exploitation. Ainsi le jardin coréen aménagé dans le bâtiment conçu précédemment par le bandolien Rudy Ricciotti, terrasse sur laquelle donne des dégagements, ne dépasse pas les 250Kn/m2, ce qui est trop faible par rapport aux normes concernant les terrasses, mais surtout il ne faut rien dire… Ce que font les trois autres équipes d’architectes également retenues sur trois autres bâtiments dans le cadre de ce P.P.P.
Jérôme Auzolle
http://www.archicool.com/cgi-bin/presse/pg-newspro.cgi?id_news=6439
PS : LE GROUPEMENT LAUREAT DU PPP DE L’UNIVERSITE PARIS 7 DIDEROT EST UNICITE QUE PRESIDE XAVIER DUPLANTIER (DIRECTEUR DU DEVELOPPEMENT GTM CONSTRUCTION – VINCI)
Mais que font les politiques ?
Un exemple à suivre : http://webtv.architectes.org/vie-politique/le-ppp-de-luniversite-paris-vii-un-cas-decole/
A quoi bon faire des études quand on peut PiPPoter son CV au plus haut niveau.
Il est temps de modifier les statuts d’ Archi Cap Monsieur Xavier Duplantier pour éviter des conséquences pénales lourdes.
Les titres d’architecte, d’agréé en architecture ou de société d’architecture, sont strictement protégés par la loi du 3 janvier 1977.
Le titre d’architecte est réservé aux seules personnes physiques inscrites à un tableau régional de l’Ordre des architectes ; le titre de société d’architecture aux seules personnes morales inscrites au tableau de l’Ordre.Le titre d’agréé en architecture : La loi sur l’architecture du 3 janvier 1977 a autorisé toute personne physique qui exerçait avant la publication de la loi, à titre exclusif ou principal et sous responsabilité personnelle une activité de conception architecturale, à être inscrite sur sa demande au tableau de l’Ordre sous le titre d’agréé en architecture. Cette procédure était transitoire, et les demandes d’agrément ont dû impérativement être déposées dans les 6 mois qui ont suivi la publication de la loi, soit avant le 4 juillet 1977.
PPP & DIPLOME HORS CONTROLE
Petite histoire du PPP avec Vinci Le choix d’un PPP.
Le ministère et l’université ont choisi de construire plusieurs bâtiments en ayant recours à un partenariat public privé (PPP). En deux mots, l’Etat au lieu de faire construire lui-même les bâtiments, a recours à un « propriétaire » privé qui construit le bâtiment et le loue à l’université pendant une période de 30 ans, à l’issue de laquelle l’université deviendra propriétaire. Dans la vraie vie, le « propriétaire » privé est une structure ad hoc montée par un des trois grands de la construction – Vinci, Bouygues, Eiffage – qui lui confie ensuite la construction.
Où l’avantage de ce type de montage se trouve-t-il? Pas dans le prix, tout le monde s’accordant pour reconnaître que le prix pour la personne publique est plus élevé que si elle faisait construire elle-même le bâtiment en empruntant et en remboursant le prêt. Le grand avantage, c’est que contrairement à l’emprunt, cela n’apparaît pas dans la dette publique: il s’agit d’une dette cachée dans les loyers. La Cour des Comptes a déjà critiqué ce type de montage.
Selon Valérie Pécresse « le surcoût financier [devait être] compensé par l’optimisation du projet et l’innovation apportée par les partenaires privés ». La réalité que montre ce premier contrat de partenariat est bien différente.
Deux motifs possibles peuvent être invoqués pour avoir recours à un PPP: l’urgence et la complexité. En l’occurrence, l’université a invoqué la complexité, les trois bâtiments principaux se situant sur les voies ferrées.
Le premier mystère: l’attribution du PPP à Vinci
Au terme d’un « dialogue compétitif », l’université Paris Diderot – Paris 7 a signé le 24 juillet 2009 un contrat de partenariat (PPP) avec le groupement Unicité (Groupe Vinci) pour la construction de 4 bâtiments représentant au total 45 000 m2 SHON sur la ZAC Paris Rive Gauche: M5B2, M6A1, M3I2 et M3A2. Les deux principaux bâtiments sont:
le bâtiment M6 A1 d’une surface de 19.000 m2 SHON,
le bâtiment M5 B2 d’une surface de 20.700 m2 SHON.
Le contrat de partenariat porte sur un montant total de 273 millions d’euros, dont 108 millions d’euros pour la partie conception-construction.
Nombre d’observateurs ont été surpris par le choix de l’offre de Vinci qui n’était pas la moins chère et qui n’était pas celle qui tenait la corde quelques jours avant la décision.
Question 1: pourquoi le PPP a-t-il été attribué à Vinci, dont le projet n’était pas le moins cher et probablement pas le plus adapté?
Le premier gros problème: la solidité des bâtiments
L’offre définitive prévoyait des bâtiments flexibles, c’est à dire des bâtiments dont l’usage peut varier au cours du temps en fonction des besoins, des surfaces de bureaux pouvant par exemple être transformées en salle de réunion. Cette flexibilité est une nécessité impérative pour des locaux destinés à usage universitaire sur plusieurs décennies et suppose que la structure supporte la charge d’exploitation de 400 kg/m2 prévue par les normes en vigueur (dans les bâtiments du Gril Jussieu, elle est de 500 kg/m2). Cela impliquait des travaux au niveau RFF, qui avaient d’ailleurs été budgétés.
Mais Vinci a supprimé cette flexibilité et prévu de passer une grande partie des locaux à une charge d’exploitation de 250kg/m2, ce qui limite essentiellement ces locaux à un usage de bureaux. L’architecte du bâtiment M3I2 a tenté de s’opposer et a attiré l’attention de l’université, en la personne de son « chef de projet » et vice-président, François Montarras, sur ce changement et sur ses conséquences en terme de sécurité et de limitation d’usage. Il a eu la surprise de constater que ce dernier, au lieu de défendre l’intérêt de l’université, validait les modifications de Vinci. Accessoirement, Vinci a viré l’architecte, qui lui défendait l’intérêt objectif de l’université. Le Canard enchaîné du 14 avril s’est fait l’écho de cet épisode dans un article intitulé « Vinci veut construire une fac aux planchers branlants ».
[l'un des gros problèmes des PPP, c'est que le "propriétaire" privé et l'entreprise qui construit sont confondus et que l'architecte-maître d'oeuvre qui doit normalement contrôler le travail de l'entreprise qui construit est en fait ... sous-traitant de celle-ci!]
La question de la solidité des bâtiments n’est pas une question négligeable, surtout au dessus des voies ferrées. Vinci est bien placé pour connaître le problème pour avoir construit la coque en béton du terminal 2E de Roissy qui s’est effondrée en 2004, faisant 4 morts.
Question 2: pourquoi l’université a-t-elle pris le parti de défendre Vinci, qui fera dans cette affaire des économies, aux dépens des intérêts de l’université, dont les bâtiments ne seront pas conformes aux besoins universitaires et qui poseront probablement des problèmes de sécurité?
Le second gros problème: la sécurité incendie.
Les demandes de permis de construire ont été déposées par Unicité le 5 août 2009. En décembre les permis des deux grands bâtiments M6A1 et M5B2 ont été une première fois refusés, les trois commissions de la préfecture de police – sécurité incendie, sécurité publique et accessibilité pour les personnes handicapées – ayant, chacune pour ce qui la concerne, et pour chacun des bâtiments, donné un avis défavorable.
Ni le Comité Hygiène et Sécurité de l’université, ni les futurs utilisateurs n’ont été informés par l’université de ces avis défavorables touchant à la sécurité des personnes
De façon surprenante, bien que les « anomalies » essentielles, portant notamment sur la sécurité incendie, n’aient pas été sérieusement corrigées, les mêmes commissions ont émis des avis favorables en avril 2010. Suite à ces avis, le préfet a délivré des permis de construire le 28 avril 2010.
Question 3: Pourquoi la commission de sécurité de la préfecture de police a-t-elle changé son avis défavorable en avis favorable alors que les problèmes demeuraient?
Un festival d’irrégularités.
Quand nous sommes allés consulter les dossiers de permis de construire à la préfecture, nous ne pensions pas y trouver ce que nous y avons trouvé. Nous y sommes retournés plusieurs fois, en nous disant que ce n’était pas possible, que nous devions nous tromper.
absence des données obligatoires concernant la solidité du bâtiment, alors même que la question de la solidité est posée avec insistance;
fausse déclaration d’effectifs ayant pour objet d’échapper à la réglementation sur la sécurité incendie;
non respect de la réglementation sur la sécurité incendie sur des points majeurs mettent en cause la sécurité des personnes;
non respect de la réglementation sur l’accessibilité aux personnes handicapées;
non respect du plan local d’urbanisme (PLU) de Paris sur des points relevant du pur bon sens: par exemple, absence de local à vélos dans le bâtiment M5B2, alors qu’il accueille 5000 personnes.
Encore faut-il préciser que nous n’avons mentionné dans le recours que les irrégularités relevant du permis de constuire (urbanisme + sécurité incendie + accessibilité pour les personnes handicapées) et non les anomalies concernant l’usage du bâtiment.
A l’université et à Vinci de dire si c’est nous qui avons rêvé. Les réponses qu’ils fourniront seront mises sur ce site.
Question 4: Comment une entreprise comme Vinci a-t-elle pu concevoir des bâtiments à ce point défectueux?
Question 5: Comment l’université a-t-elle pu donner son accord pour de tels bâtiments?
ARTICLE SUR MEDIAPART :
La multinationale et l’université : conflit de chantier – Jade Lindgaard, Médiapart, 27 juillet 2010
mardi 27 juillet 2010, par laurence
Pour lire cet article sur le site de Médiapart.
Bataille de chiffres, de normes, de vision de l’architecture et de la commande publique à l’université Paris 7-Diderot. Dans le quartier de l’avenue de France, dans le XIIIe arrondissement parisien, fertile terre d’expérimentation architecturale, quatre bâtiments doivent voir le jour sur le campus de la fac scientifique, qui poursuit ainsi son développement hors du site historique de Jussieu.
Ce n’est pas un chantier comme les autres : c’est l’un des tout premiers partenariats public-privé (PPP) signés par l’université française. Créés en 2004, ces contrats de partenariat changent la face des travaux publics : désormais, l’Etat peut confier la construction, la maintenance, la gestion et l’exploitation d’un bâtiment, d’une autoroute ou d’une voie ferrée à une société privée qui en devient propriétaire, et loue ses services à la puissance publique sur une ou plusieurs décennies. Il existe aujourd’hui 69 PPP en France (liste à consulter ici) dont la plupart, très récents, ont été signés avec des collectivités territoriales.
L’avantage immédiat pour l’Etat est évident : l’économie des coûts d’investissement, qui permet de réduire la dette. Pour les contracteurs privés, les PPP sont une aubaine qui leur garantit le paiement d’une rente pendant vingt à trente ans.
L’université Paris 7-Diderot a signé il y a tout juste un an un contrat de partenariat –forme juridique demandée par le ministère– avec le groupe Vinci, mastodonte du BTP, pour la somme de 273 millions d’euros. Il court sur trente ans. Objet : la conception, la construction et la maintenance de quatre bâtiments universitaires (salles de cours, bureaux, bibliothèque, logements…).
Compte tenu de l’ampleur du projet, Vinci s’est associé à GDF-Suez, Barclays private equity et la Fideppp (Caisses d’épargne) pour constituer le groupement Unicité, opérateur du chantier. Plus de 10.000 étudiants sont attendus dans ces nouveaux édifices du site Paris Rive Gauche, dans la ZAC Tolbiac, à la rentrée 2012. « Mon ministère se place dans une position de bâtisseur », s’est réjouie la ministre de l’enseignement supérieur, Valérie Pécresse, lors de la signature des contrats. Mais pas forcément en gestionnaire économe, puisque lors de la même intervention, elle reconnaît que le PPP ne lui coûtera pas moins cher qu’un contrat classique de construction. Pour Vincent Berger, président de l’université, c’est « un événement qui fera date ».
C’est peut-être ce qui est en train de se produire, mais pas dans le sens qu’il espérait. Car ce projet phare de construction universitaire rencontre des obstacles inattendus. Poursuivi par deux recours qui demandent la suspension de certains permis de construire, malmené par le renvoi de l’un des architectes en désaccord avec les méthodes de Vinci, il souffre d’insuffisances telles que la construction finale risque bien de ne pas correspondre aux demandes de l’université. C’est ce que révèlent des documents obtenus par Mediapart.
« Un nombre considérable d’irrégularités »
« Sur ces dossiers, il y a chaque fois des recours », temporise Xavier Duplantier, président du groupement Unicité qui pilote les travaux, « on respectera le programme du chantier ». Mais pour Michel Parigot, président du comité anti-amiante de Jussieu, initiateur des recours, déposés le 28 juin dernier devant le tribunal administratif, « dans ce dossier où tout est opaque, rien ne garantit que les intérêts de l’université sont protégés ».
Premier problème : la sécurité des édifices. Selon les auteurs des recours, les deux bâtiments visés comportent « un nombre considérable d’irrégularités, dont des irrégularités majeures mettant en cause la sécurité des personnes ». Le nombre de personnes destinées à les utiliser semble ainsi avoir été sous-estimé par le constructeur – Le Canard enchaîné s’en était fait l’écho au printemps dernier (à lire ici).
Par exemple, la notice de sécurité de l’un des édifices ne prend pas en compte les futurs utilisateurs de la bibliothèque, et se dégage ainsi des contraintes de la réglementation en matière de sécurité incendie. « Dans une université, une bibliothèque sans étudiant ? C’est une aberration », considère Michel Parigot, du comité anti-amiante de Jussieu. « Ce n’est pas la bibliothèque Sainte-Geneviève ! répond Jean-Baptiste Lacoudre, architecte du bâtiment, c’est une bibliothèque pour chercheurs et quelques étudiants. » Mais pour les requérants, c’est « une fausse déclaration d’effectifs ». S’y ajoute l’oubli de tous ceux qui, en plus des personnels administratifs et enseignants déjà comptabilisés dans les bâtiments, fréquenteront les salles de réunion et de séminaires –ouvertes en théorie aux personnes extérieures–, le secrétariat des UFR, les bureaux des profs… En tout, ce sont près de 1.300 personnes qui échappent au radar de la sécurité des deux édifices, selon les recours.
Le Tribunal administratif pourrait rendre sa décision d’ici un an, sauf si les requérants décident d’ici là de faire un référé. Mais le recours n’est pas suspensif, et les travaux du chantier sont en train de commencer.
En 2004, le législateur a imposé des limites aux PPP : ils ne peuvent être conclus que pour les projets complexes, urgents ou présentant un bilan plus favorable que d’autres formes de commande publique. En partie situé en surplomb de voies ferrées, le chantier de Paris 7 est techniquement délicat. Ce n’est pas la seule difficulté : les bâtiments d’une université sont étroitement liés à leur utilisation. Or, il est quasiment impossible de prévoir à 10 ou 20 ans les futurs usages des salles d’une fac. « On peut avoir besoin de transformer les locaux administratifs en salles d’enseignement, et celles-ci en laboratoires de recherche, et inversement », explique le directeur d’un campus universitaire.
C’est pourquoi l’une des plus pressantes demandes de Paris 7 pour son chantier est la « flexibilité », véritable mantra du programme fonctionnel des travaux (qui fait office de cahier des charges), consulté par Mediapart : « L’évolution de la demande d’enseignement et/ou de la recherche est susceptible d’induire de sensibles mutations organisationnelles. Les dispositions architecturales seront conçues pour permettre demain de telles évolutions », peut-on y lire. « Le bâtiment doit s’avérer : évolutif (facilité d’adaptation aux innovations ou aux performances techniques), flexible (facilité de restructuration), élastique (facilité d’extension) », est-il précisé. Ailleurs encore, l’université explique que « ce système constructif doit offrir à la personne publique une marge d’adaptabilité afin d’éviter de figer trop tôt dans l’élaboration du projet la répartition des locaux ». Et parle d’« évolution des locaux impliquant un changement d’affectation ».
Sans surprise, on en retrouve la trace dans la note de présentation finale, la dernière du groupement à son donneur d’ordre universitaire, le 30 mars 2009. Une à une, les trois principales constructions du lot sont passées en revue : le M5B2 (poursuivi par le recours) doit satisfaire « les objectifs de flexibilité et de réversibilité des affectations dans le bâtiment », le M6A1 (aussi visé par le recours) permettre « une flexibilité des espaces de cours et de bureaux », et le M312 être adaptable « en cas de nouvelle distribution des espaces ».
« Ces agissements ne sont pas concevables »
Ce principe de flexibilité a bien sûr des traductions très concrètes. Il passe par toute une série de critères, au premier rang desquels la capacité des sols à supporter des poids minimaux : les « charges d’exploitation » en jargon du BTP. Selon la norme en vigueur (NFP 06-001), la charge requise pour un logement est de 150 kilos par m2, pour un bureau, elle monte à 250 et pour une salle de cours ou un amphithéâtre, elle atteint 400 kg/m2.
Surprise : en flagrante contradiction avec les principes affichés, il semble bien que les plans échouent à respecter ces normes. C’est ce que dénonce Philippe Blandin, de l’agence In/On, architecte initial de l’un des bâtiments, remercié par Vinci après plus d’un an de service, marqué par la progressive dégradation de leurs rapports. En février dernier, Philippe Blandin alerte la présidence de Paris 7 : « Nous avons les plus grandes difficultés à maintenir la qualité architecturale et urbaine du projet initial. » La lettre reste sans réponse. Quelques mois plus tôt, en septembre, il alerte le bureau d’étude Setec, lui aussi associé au projet, de l’inadéquation des charges prévues sur les plans et les niveaux à ses yeux nécessaires. La réponse de Vinci ne se fait pas attendre : « Ces agissements ne sont pas concevables. » Mais l’architecte assure agir « dans le cadre de la sécurité des biens et des personnes ».
Pour Vinci, sollicité par Mediapart, « les sociétés qui interviennent sur ce chantier respectent le cahier des charges qui leur a été fixé par l’Université, conformément à l’ensemble des normes en vigueur ». Pourtant, Philippe Blandin n’est pas le seul à remarquer que les charges de son bâtiment posent problème. Le bureau de contrôle Qualiconsult écrit en mars dernier à Sogam, la filiale de Vinci en charge du chantier : « Le principe de flexibilité est susceptible d’être remis en cause par les différentes valeurs de surcharges d’exploitation définies dans la note d’hypothèse. » En clair, les poids que, selon les plans, le bâtiment peut supporter ne permettent pas de garantir sa flexibilité.
Dans un e-mail envoyé à l’agence In/On que Mediapart a pu lire, un ingénieur de Qualiconsult est encore plus direct : la surcharge « devra de toute manière être au minimum égale à 400 kg/m2 » pour un certain nombre de locaux encore indéfinis. Dans un message remontant à septembre 2009, le bureau d’études Setec remarque que « le document de contrat signé compte des valeurs différentes par rapport à celui de l’offre finale ». Autrement dit, d’un document à l’autre, les nombres varient. Bref, le tableau général est inquiétant.
En février, Philippe Blandin est remercié. « Pour avoir voulu faire mon travail » considère-t-il. Une fois licencié, il est remplacé par un autre architecte, travaillant pour l’une des sous-filiales de Vinci, SCGMA. Sollicité par Mediapart, il n’a pas répondu à notre appel.
Qu’en est-il aujourd’hui du bâtiment ? L’examen de la présentation finale du 30 mars 2009, la dernière faite à la personne publique avant signature de l’offre finale, révèle là encore des contradictions flagrantes avec le cahier des charges des travaux. Par exemple, lorsque l’on regarde le plan du 4e étage du bâtiment (reproduit ci-dessous), on voit nettement que le plateau est mité de zones aux charges variables : 250 kg (en vert), 350 (en gris à points rouges), 400 (en orange)…
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« C’est la balkanisation des charges », décrit Philippe Blandin. Et elle se reproduit sur d’autres étages. Le problème, c’est que si un sol ne peut supporter une charge de plus de 250 kg, il ne servira pas à soutenir une salle de classe ni de réunion. Le cahier des charges était pourtant clair, prônant l’« homogénéité des charges d’exploitation d’une même zone ».
« Nous sommes un grand groupe, nous respectons l’homogénéité des charges, c’est la base », s’indigne un responsable de Vinci. « Les bureaux sont flexibles… en bureaux, on peut bouger les cloisons, ils ne deviendront pas des logements », explique Xavier Duplantier, président du groupement Unicité, pour qui cette règle est conforme au cahier des charges : « On ne nous demande pas que les étages consacrés aux chercheurs soient ouverts à tout le monde. »
Mais qu’est-ce, alors, que la flexibilité, si les salles construites ne pourront pas changer d’affectation en trente ans d’usage ? « Dans le programme, il y a des zones de flexibilité importantes, mais on ne va pas demander à tout un bâtiment de respecter la norme de 400 kg partout, ça ne se fait pas en France », analyse Jean-Baptiste Lacoudre, architecte de l’un des bâtiments visés par le recours devant le tribunal administratif.
Mais le directeur d’un campus universitaire joint par Mediapart explique : « Pour qu’un bâtiment soit flexible, cela veut dire qu’il doit supporter 400 kg/m2 de charges au sol, c’est évident. » Mais il ajoute aussi que « ça coûte cher. Si on imagine que certains locaux resteront toujours administratifs, on dessine des zones variables et d’autres qui ne le seront pas et on réduit un peu la facture ».
« L’Homme déterminé » des PPP
Officiellement, impossible de savoir si ce type de problèmes se retrouve dans les autres bâtiments du chantier de Paris 7. Du côté de Vinci et de l’université, le mutisme est presque total. Mais Mediapart a eu accès à des documents concernant un autre édifice. Quand on regarde la présentation finale du M6A1, destiné à accueillir un peu moins de 3.000 personnes avec une bibliothèque, des salles de réunion, de séminaire, des bureaux d’enseignants…, d’autres anomalies apparaissent. Par exemple, les plans de deux étages sont contradictoires : comme on le voit sur le plan reproduit ci-dessous, le même couloir et le même escalier ne supportent pas le même poids d’un niveau à l’autre : 400 kg/m2 à l’étage inférieur (en jaune orangé), mais 250 kg/m2 au-dessus (couleur vert d’eau).
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Cette incohérence se double d’un autre souci : à l’étage supérieur, se trouve une salle de cours supportant 400 kg/m2 conformément à la norme (la bande jaune orangé sur le plan). Mais le couloir y menant ne supporte que… 250 kg/m2, c’est-à-dire moins de personnes. La voie d’accès est trop faible pour la salle.
Autre exemple : au rez-de-chaussée du même bâtiment, le gymnase peut supporter 500 kg/m2 (tracé en rouge sur le plan), alors que le couloir d’accès (en vert) est à 250 kg/m2.
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Au-dessus, on voit ici sur ce plan un amphithéâtre supportant 400 kg (tracé rouge en bas à gauche), conformément à la règle, mais doté d’un couloir ne supportant que 250 kg (tracé vert), bordé d’un espace supportant lui 500 kg par mètre carré (tracé rouge en bas à droite).
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Un exemple de mitage des charges, que le chantier est pourtant censé proscrire. Les permis de construire ont été accordés au printemps 2010. « Mais en France, on n’examine pas la solidité des bâtiments », explique Michel Parigot, du comité anti-amiante de Jussieu.
Quel lien entre ces failles et la nature du contrat liant Paris 7 à Vinci, le PPP ? Pour Philippe Blandin, pas opposé au départ au principe des partenariats public-privé : « C’était le conflit d’intérêts permanent. Dans un PPP, l’entreprise et le maître d’ouvrage, c’est-à-dire le donneur d’ordre du projet, ne font qu’un. Or les intérêts de l’entreprise et de la maîtrise d’ouvrage sur un chantier ne sont pas forcément les mêmes. En tant qu’architecte, je risquais de me retrouver simple exécutant de Vinci, je n’avais pas le pouvoir. »
Qu’en dit la personne publique, pour qui les bâtiments sont érigés ? « Il n’y a aucun problème particulier avec notre PPP », répond François Montarras, vice-président de l’université, en charge des projets immobiliers. Et les recours, les doutes sur la sécurité, la flexibilité d’usage ? « Les gens qui posent cela ne s’y connaissent pas en bâtiment. » Il y a quand même un architecte qui critique les anomalies du bâtiment qu’il devait construire… « Je suis aussi architecte, je m’y connais en bâtiment, il n’y a aucun problème. » Fin de la discussion. La présidence de Paris 7 doit publier un communiqué de réaction aux recours le 30 juillet. D’ici là, aucun commentaire officiel.
Membre de l’administration de l’université depuis plus de vingt ans, François Montarras y a peu à peu gravi les échelons, devenant chargé de mission pour les problèmes d’aménagement de Paris 7 en 1996, puis vice-président. Il a obtenu son diplôme d’architecte il y a deux ans. En 2009, il a reçu le prix « de l’Homme déterminé » du club PPP du Fideppp, le fonds d’investissement et du développement des PPP du groupe Caisse d’épargne.
Situation d’oligopole
« Les partenariats public-privé, ce peut être la meilleure et la pire des choses », analyse Frédéric Marty, chercheur au CNRS, l’un des spécialistes français de ces nouvelles formes de contrat. « Pour certains équipements, comme les satellites de communication, le privé peut avoir plus d’expérience que le public, et le PPP s’avérer plus efficace économiquement. » Mais il pointe les limites du modèle : c’est une forme d’endettement différé, un investissement coûteux, car en général le secteur privé emprunte à des taux moins avantageux que le public. Dans son rapport 2008, la Cour des comptes avait lancé une alerte à ce sujet. C’est surtout pour l’exploitation à long terme de secteurs technologiquement complexes et risqués que les PPP deviennent problématiques : les surcoûts pour la personne publique risquent de s’avérer faramineux. Certains hôpitaux britanniques en ont fait les frais.
« Le problème des PPP, c’est que ce sont des contrats très complexes englobant à la fois le financement, la construction, la gestion sur plusieurs années… », explique un juriste et avocat qui en a rédigé. « Le pauvre gars d’une collectivité locale ne fera jamais le poids face à des représentants de Bouygues ou de Vinci qui font ça toute la journée. » Vu la taille des contrats, « les consortiums constitués autour de très grands groupes sont favorisés », ajoute Frédéric Marty, « on ne trouve que les majors du bâtiment dans la plupart des appels d’offres. Cette concentration de la concurrence crée une situation d’oligopole ».
Rénovation d’un site de Paris 4 au nord de Paris (par Bouygues), construction du nouveau campus de l’Ecole nationale supérieure de techniques avancées (ENSTA) sur le site de Polytechnique à Palaiseau (Vinci), rénovation de l’UFR médecine de l’université de Versailles-Saint-Quentin (Bouygues), et du zoo de Vincennes, qui dépend du Muséum d’histoire naturelle (Bouygues), les PPP se développent peu à peu à l’université. Sont-elles armées pour y faire face ?
Professeur de droit public à Nanterre, Pierre Brunet n’y croit pas du tout : « Cela me semble très dangereux pour des bâtiments affectés à un service public qui suppose de nombreux choix politiques. Qu’est-ce qu’une université ? Des services rendus par des personnes qui choisissent un système de liberté de pensée, indépendante de compromissions. Comment la garantir si vous exercez dans un bâtiment dont l’usage et l’exploitation sont décidés par des investisseurs pendant 30 ans ? Pour moi cette temporalité, si longue, est une aliénation de souveraineté intellectuelle. »
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Au Canada, les mésaventures de l’université de Montréal, l’Uqam, dont les finances sont aujourd’hui grevées par un projet immobilier en PPP mal configuré et beaucoup plus coûteux que prévu, soulèvent un vent de critiques contre les contrats de partenariat en milieu universitaire.
Pour Michel Zulberty, directeur du campus de Jussieu, le site historique de Paris 7, « pour que les PPP fonctionnent, il faut une personne publique forte, représentée par des professionnels rompus au secteur de l’immobilier et à la gestion de patrimoine, qui impose ses méthodes et son expertise ». Le « drame de ces procédures, poursuit un expert, c’est que l’on considère que le privé est plus intelligent que le public. Mais ce n’est pas vrai ».
Autrement dit, la seule manière de rééquilibrer les PPP, c’est d’y réinsuffler plus de puissance publique. Si Paris 7 se retrouve l’année prochaine avec des bâtiments de moindre qualité qu’elle ne l’espérait, elle aura fait les frais d’un système où les rapports de force sont aujourd’hui cruellement inégaux.
Pour lire cet article sur le site de Médiapart.
Bataille de chiffres, de normes, de vision de l’architecture et de la commande publique à l’université Paris 7-Diderot. Dans le quartier de l’avenue de France, dans le XIIIe arrondissement parisien, fertile terre d’expérimentation architecturale, quatre bâtiments doivent voir le jour sur le campus de la fac scientifique, qui poursuit ainsi son développement hors du site historique de Jussieu.
Ce n’est pas un chantier comme les autres : c’est l’un des tout premiers partenariats public-privé (PPP) signés par l’université française. Créés en 2004, ces contrats de partenariat changent la face des travaux publics : désormais, l’Etat peut confier la construction, la maintenance, la gestion et l’exploitation d’un bâtiment, d’une autoroute ou d’une voie ferrée à une société privée qui en devient propriétaire, et loue ses services à la puissance publique sur une ou plusieurs décennies. Il existe aujourd’hui 69 PPP en France (liste à consulter ici) dont la plupart, très récents, ont été signés avec des collectivités territoriales.
L’avantage immédiat pour l’Etat est évident : l’économie des coûts d’investissement, qui permet de réduire la dette. Pour les contracteurs privés, les PPP sont une aubaine qui leur garantit le paiement d’une rente pendant vingt à trente ans.
L’université Paris 7-Diderot a signé il y a tout juste un an un contrat de partenariat –forme juridique demandée par le ministère– avec le groupe Vinci, mastodonte du BTP, pour la somme de 273 millions d’euros. Il court sur trente ans. Objet : la conception, la construction et la maintenance de quatre bâtiments universitaires (salles de cours, bureaux, bibliothèque, logements…).
Compte tenu de l’ampleur du projet, Vinci s’est associé à GDF-Suez, Barclays private equity et la Fideppp (Caisses d’épargne) pour constituer le groupement Unicité, opérateur du chantier. Plus de 10.000 étudiants sont attendus dans ces nouveaux édifices du site Paris Rive Gauche, dans la ZAC Tolbiac, à la rentrée 2012. « Mon ministère se place dans une position de bâtisseur », s’est réjouie la ministre de l’enseignement supérieur, Valérie Pécresse, lors de la signature des contrats. Mais pas forcément en gestionnaire économe, puisque lors de la même intervention, elle reconnaît que le PPP ne lui coûtera pas moins cher qu’un contrat classique de construction. Pour Vincent Berger, président de l’université, c’est « un événement qui fera date ».
C’est peut-être ce qui est en train de se produire, mais pas dans le sens qu’il espérait. Car ce projet phare de construction universitaire rencontre des obstacles inattendus. Poursuivi par deux recours qui demandent la suspension de certains permis de construire, malmené par le renvoi de l’un des architectes en désaccord avec les méthodes de Vinci, il souffre d’insuffisances telles que la construction finale risque bien de ne pas correspondre aux demandes de l’université. C’est ce que révèlent des documents obtenus par Mediapart.
« Un nombre considérable d’irrégularités »
« Sur ces dossiers, il y a chaque fois des recours », temporise Xavier Duplantier, président du groupement Unicité qui pilote les travaux, « on respectera le programme du chantier ». Mais pour Michel Parigot, président du comité anti-amiante de Jussieu, initiateur des recours, déposés le 28 juin dernier devant le tribunal administratif, « dans ce dossier où tout est opaque, rien ne garantit que les intérêts de l’université sont protégés ».
Premier problème : la sécurité des édifices. Selon les auteurs des recours, les deux bâtiments visés comportent « un nombre considérable d’irrégularités, dont des irrégularités majeures mettant en cause la sécurité des personnes ». Le nombre de personnes destinées à les utiliser semble ainsi avoir été sous-estimé par le constructeur – Le Canard enchaîné s’en était fait l’écho au printemps dernier (à lire ici).
Par exemple, la notice de sécurité de l’un des édifices ne prend pas en compte les futurs utilisateurs de la bibliothèque, et se dégage ainsi des contraintes de la réglementation en matière de sécurité incendie. « Dans une université, une bibliothèque sans étudiant ? C’est une aberration », considère Michel Parigot, du comité anti-amiante de Jussieu. « Ce n’est pas la bibliothèque Sainte-Geneviève ! répond Jean-Baptiste Lacoudre, architecte du bâtiment, c’est une bibliothèque pour chercheurs et quelques étudiants. » Mais pour les requérants, c’est « une fausse déclaration d’effectifs ». S’y ajoute l’oubli de tous ceux qui, en plus des personnels administratifs et enseignants déjà comptabilisés dans les bâtiments, fréquenteront les salles de réunion et de séminaires –ouvertes en théorie aux personnes extérieures–, le secrétariat des UFR, les bureaux des profs… En tout, ce sont près de 1.300 personnes qui échappent au radar de la sécurité des deux édifices, selon les recours.
Le Tribunal administratif pourrait rendre sa décision d’ici un an, sauf si les requérants décident d’ici là de faire un référé. Mais le recours n’est pas suspensif, et les travaux du chantier sont en train de commencer.
En 2004, le législateur a imposé des limites aux PPP : ils ne peuvent être conclus que pour les projets complexes, urgents ou présentant un bilan plus favorable que d’autres formes de commande publique. En partie situé en surplomb de voies ferrées, le chantier de Paris 7 est techniquement délicat. Ce n’est pas la seule difficulté : les bâtiments d’une université sont étroitement liés à leur utilisation. Or, il est quasiment impossible de prévoir à 10 ou 20 ans les futurs usages des salles d’une fac. « On peut avoir besoin de transformer les locaux administratifs en salles d’enseignement, et celles-ci en laboratoires de recherche, et inversement », explique le directeur d’un campus universitaire.
C’est pourquoi l’une des plus pressantes demandes de Paris 7 pour son chantier est la « flexibilité », véritable mantra du programme fonctionnel des travaux (qui fait office de cahier des charges), consulté par Mediapart : « L’évolution de la demande d’enseignement et/ou de la recherche est susceptible d’induire de sensibles mutations organisationnelles. Les dispositions architecturales seront conçues pour permettre demain de telles évolutions », peut-on y lire. « Le bâtiment doit s’avérer : évolutif (facilité d’adaptation aux innovations ou aux performances techniques), flexible (facilité de restructuration), élastique (facilité d’extension) », est-il précisé. Ailleurs encore, l’université explique que « ce système constructif doit offrir à la personne publique une marge d’adaptabilité afin d’éviter de figer trop tôt dans l’élaboration du projet la répartition des locaux ». Et parle d’« évolution des locaux impliquant un changement d’affectation ».
Sans surprise, on en retrouve la trace dans la note de présentation finale, la dernière du groupement à son donneur d’ordre universitaire, le 30 mars 2009. Une à une, les trois principales constructions du lot sont passées en revue : le M5B2 (poursuivi par le recours) doit satisfaire « les objectifs de flexibilité et de réversibilité des affectations dans le bâtiment », le M6A1 (aussi visé par le recours) permettre « une flexibilité des espaces de cours et de bureaux », et le M312 être adaptable « en cas de nouvelle distribution des espaces ».
« Ces agissements ne sont pas concevables »
Ce principe de flexibilité a bien sûr des traductions très concrètes. Il passe par toute une série de critères, au premier rang desquels la capacité des sols à supporter des poids minimaux : les « charges d’exploitation » en jargon du BTP. Selon la norme en vigueur (NFP 06-001), la charge requise pour un logement est de 150 kilos par m2, pour un bureau, elle monte à 250 et pour une salle de cours ou un amphithéâtre, elle atteint 400 kg/m2.
Surprise : en flagrante contradiction avec les principes affichés, il semble bien que les plans échouent à respecter ces normes. C’est ce que dénonce Philippe Blandin, de l’agence In/On, architecte initial de l’un des bâtiments, remercié par Vinci après plus d’un an de service, marqué par la progressive dégradation de leurs rapports. En février dernier, Philippe Blandin alerte la présidence de Paris 7 : « Nous avons les plus grandes difficultés à maintenir la qualité architecturale et urbaine du projet initial. » La lettre reste sans réponse. Quelques mois plus tôt, en septembre, il alerte le bureau d’étude Setec, lui aussi associé au projet, de l’inadéquation des charges prévues sur les plans et les niveaux à ses yeux nécessaires. La réponse de Vinci ne se fait pas attendre : « Ces agissements ne sont pas concevables. » Mais l’architecte assure agir « dans le cadre de la sécurité des biens et des personnes ».
Pour Vinci, sollicité par Mediapart, « les sociétés qui interviennent sur ce chantier respectent le cahier des charges qui leur a été fixé par l’Université, conformément à l’ensemble des normes en vigueur ». Pourtant, Philippe Blandin n’est pas le seul à remarquer que les charges de son bâtiment posent problème. Le bureau de contrôle Qualiconsult écrit en mars dernier à Sogam, la filiale de Vinci en charge du chantier : « Le principe de flexibilité est susceptible d’être remis en cause par les différentes valeurs de surcharges d’exploitation définies dans la note d’hypothèse. » En clair, les poids que, selon les plans, le bâtiment peut supporter ne permettent pas de garantir sa flexibilité.
Dans un e-mail envoyé à l’agence In/On que Mediapart a pu lire, un ingénieur de Qualiconsult est encore plus direct : la surcharge « devra de toute manière être au minimum égale à 400 kg/m2 » pour un certain nombre de locaux encore indéfinis. Dans un message remontant à septembre 2009, le bureau d’études Setec remarque que « le document de contrat signé compte des valeurs différentes par rapport à celui de l’offre finale ». Autrement dit, d’un document à l’autre, les nombres varient. Bref, le tableau général est inquiétant.
En février, Philippe Blandin est remercié. « Pour avoir voulu faire mon travail » considère-t-il. Une fois licencié, il est remplacé par un autre architecte, travaillant pour l’une des sous-filiales de Vinci, SCGMA. Sollicité par Mediapart, il n’a pas répondu à notre appel.
Qu’en est-il aujourd’hui du bâtiment ? L’examen de la présentation finale du 30 mars 2009, la dernière faite à la personne publique avant signature de l’offre finale, révèle là encore des contradictions flagrantes avec le cahier des charges des travaux. Par exemple, lorsque l’on regarde le plan du 4e étage du bâtiment (reproduit ci-dessous), on voit nettement que le plateau est mité de zones aux charges variables : 250 kg (en vert), 350 (en gris à points rouges), 400 (en orange)…
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« C’est la balkanisation des charges », décrit Philippe Blandin. Et elle se reproduit sur d’autres étages. Le problème, c’est que si un sol ne peut supporter une charge de plus de 250 kg, il ne servira pas à soutenir une salle de classe ni de réunion. Le cahier des charges était pourtant clair, prônant l’« homogénéité des charges d’exploitation d’une même zone ».
« Nous sommes un grand groupe, nous respectons l’homogénéité des charges, c’est la base », s’indigne un responsable de Vinci. « Les bureaux sont flexibles… en bureaux, on peut bouger les cloisons, ils ne deviendront pas des logements », explique Xavier Duplantier, président du groupement Unicité, pour qui cette règle est conforme au cahier des charges : « On ne nous demande pas que les étages consacrés aux chercheurs soient ouverts à tout le monde. »
Mais qu’est-ce, alors, que la flexibilité, si les salles construites ne pourront pas changer d’affectation en trente ans d’usage ? « Dans le programme, il y a des zones de flexibilité importantes, mais on ne va pas demander à tout un bâtiment de respecter la norme de 400 kg partout, ça ne se fait pas en France », analyse Jean-Baptiste Lacoudre, architecte de l’un des bâtiments visés par le recours devant le tribunal administratif.
Mais le directeur d’un campus universitaire joint par Mediapart explique : « Pour qu’un bâtiment soit flexible, cela veut dire qu’il doit supporter 400 kg/m2 de charges au sol, c’est évident. » Mais il ajoute aussi que « ça coûte cher. Si on imagine que certains locaux resteront toujours administratifs, on dessine des zones variables et d’autres qui ne le seront pas et on réduit un peu la facture ».
« L’Homme déterminé » des PPP
Officiellement, impossible de savoir si ce type de problèmes se retrouve dans les autres bâtiments du chantier de Paris 7. Du côté de Vinci et de l’université, le mutisme est presque total. Mais Mediapart a eu accès à des documents concernant un autre édifice. Quand on regarde la présentation finale du M6A1, destiné à accueillir un peu moins de 3.000 personnes avec une bibliothèque, des salles de réunion, de séminaire, des bureaux d’enseignants…, d’autres anomalies apparaissent. Par exemple, les plans de deux étages sont contradictoires : comme on le voit sur le plan reproduit ci-dessous, le même couloir et le même escalier ne supportent pas le même poids d’un niveau à l’autre : 400 kg/m2 à l’étage inférieur (en jaune orangé), mais 250 kg/m2 au-dessus (couleur vert d’eau).
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Cette incohérence se double d’un autre souci : à l’étage supérieur, se trouve une salle de cours supportant 400 kg/m2 conformément à la norme (la bande jaune orangé sur le plan). Mais le couloir y menant ne supporte que… 250 kg/m2, c’est-à-dire moins de personnes. La voie d’accès est trop faible pour la salle.
Autre exemple : au rez-de-chaussée du même bâtiment, le gymnase peut supporter 500 kg/m2 (tracé en rouge sur le plan), alors que le couloir d’accès (en vert) est à 250 kg/m2.
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Au-dessus, on voit ici sur ce plan un amphithéâtre supportant 400 kg (tracé rouge en bas à gauche), conformément à la règle, mais doté d’un couloir ne supportant que 250 kg (tracé vert), bordé d’un espace supportant lui 500 kg par mètre carré (tracé rouge en bas à droite).
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Un exemple de mitage des charges, que le chantier est pourtant censé proscrire. Les permis de construire ont été accordés au printemps 2010. « Mais en France, on n’examine pas la solidité des bâtiments », explique Michel Parigot, du comité anti-amiante de Jussieu.
Quel lien entre ces failles et la nature du contrat liant Paris 7 à Vinci, le PPP ? Pour Philippe Blandin, pas opposé au départ au principe des partenariats public-privé : « C’était le conflit d’intérêts permanent. Dans un PPP, l’entreprise et le maître d’ouvrage, c’est-à-dire le donneur d’ordre du projet, ne font qu’un. Or les intérêts de l’entreprise et de la maîtrise d’ouvrage sur un chantier ne sont pas forcément les mêmes. En tant qu’architecte, je risquais de me retrouver simple exécutant de Vinci, je n’avais pas le pouvoir. »
Qu’en dit la personne publique, pour qui les bâtiments sont érigés ? « Il n’y a aucun problème particulier avec notre PPP », répond François Montarras, vice-président de l’université, en charge des projets immobiliers. Et les recours, les doutes sur la sécurité, la flexibilité d’usage ? « Les gens qui posent cela ne s’y connaissent pas en bâtiment. » Il y a quand même un architecte qui critique les anomalies du bâtiment qu’il devait construire… « Je suis aussi architecte, je m’y connais en bâtiment, il n’y a aucun problème. » Fin de la discussion. La présidence de Paris 7 doit publier un communiqué de réaction aux recours le 30 juillet. D’ici là, aucun commentaire officiel.
Membre de l’administration de l’université depuis plus de vingt ans, François Montarras y a peu à peu gravi les échelons, devenant chargé de mission pour les problèmes d’aménagement de Paris 7 en 1996, puis vice-président. Il a obtenu son diplôme d’architecte il y a deux ans. En 2009, il a reçu le prix « de l’Homme déterminé » du club PPP du Fideppp, le fonds d’investissement et du développement des PPP du groupe Caisse d’épargne.
Situation d’oligopole
« Les partenariats public-privé, ce peut être la meilleure et la pire des choses », analyse Frédéric Marty, chercheur au CNRS, l’un des spécialistes français de ces nouvelles formes de contrat. « Pour certains équipements, comme les satellites de communication, le privé peut avoir plus d’expérience que le public, et le PPP s’avérer plus efficace économiquement. » Mais il pointe les limites du modèle : c’est une forme d’endettement différé, un investissement coûteux, car en général le secteur privé emprunte à des taux moins avantageux que le public. Dans son rapport 2008, la Cour des comptes avait lancé une alerte à ce sujet. C’est surtout pour l’exploitation à long terme de secteurs technologiquement complexes et risqués que les PPP deviennent problématiques : les surcoûts pour la personne publique risquent de s’avérer faramineux. Certains hôpitaux britanniques en ont fait les frais.
« Le problème des PPP, c’est que ce sont des contrats très complexes englobant à la fois le financement, la construction, la gestion sur plusieurs années… », explique un juriste et avocat qui en a rédigé. « Le pauvre gars d’une collectivité locale ne fera jamais le poids face à des représentants de Bouygues ou de Vinci qui font ça toute la journée. » Vu la taille des contrats, « les consortiums constitués autour de très grands groupes sont favorisés », ajoute Frédéric Marty, « on ne trouve que les majors du bâtiment dans la plupart des appels d’offres. Cette concentration de la concurrence crée une situation d’oligopole ».
Rénovation d’un site de Paris 4 au nord de Paris (par Bouygues), construction du nouveau campus de l’Ecole nationale supérieure de techniques avancées (ENSTA) sur le site de Polytechnique à Palaiseau (Vinci), rénovation de l’UFR médecine de l’université de Versailles-Saint-Quentin (Bouygues), et du zoo de Vincennes, qui dépend du Muséum d’histoire naturelle (Bouygues), les PPP se développent peu à peu à l’université. Sont-elles armées pour y faire face ?
Professeur de droit public à Nanterre, Pierre Brunet n’y croit pas du tout : « Cela me semble très dangereux pour des bâtiments affectés à un service public qui suppose de nombreux choix politiques. Qu’est-ce qu’une université ? Des services rendus par des personnes qui choisissent un système de liberté de pensée, indépendante de compromissions. Comment la garantir si vous exercez dans un bâtiment dont l’usage et l’exploitation sont décidés par des investisseurs pendant 30 ans ? Pour moi cette temporalité, si longue, est une aliénation de souveraineté intellectuelle. »
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Au Canada, les mésaventures de l’université de Montréal, l’Uqam, dont les finances sont aujourd’hui grevées par un projet immobilier en PPP mal configuré et beaucoup plus coûteux que prévu, soulèvent un vent de critiques contre les contrats de partenariat en milieu universitaire.
Pour Michel Zulberty, directeur du campus de Jussieu, le site historique de Paris 7, « pour que les PPP fonctionnent, il faut une personne publique forte, représentée par des professionnels rompus au secteur de l’immobilier et à la gestion de patrimoine, qui impose ses méthodes et son expertise ». Le « drame de ces procédures, poursuit un expert, c’est que l’on considère que le privé est plus intelligent que le public. Mais ce n’est pas vrai ».
Autrement dit, la seule manière de rééquilibrer les PPP, c’est d’y réinsuffler plus de puissance publique. Si Paris 7 se retrouve l’année prochaine avec des bâtiments de moindre qualité qu’elle ne l’espérait, elle aura fait les frais d’un système où les rapports de force sont aujourd’hui cruellement inégaux