http://www.dailymotion.com/videoxcpktv Aujourd’hui, je vais participer à un colloque organisé par le centre de recherche en droit constitutionnel de l’Université Panthéon-Sorbonne Paris I.
Le thème est apparemment rebutant « l’autorité des décisions du Conseil constitutionnel » mais il masque l’essentiel : le rôle de celui qui se présente souvent comme un « juge constitutionnel ».
Je défendrai la thèse que le Conseil est une institution éminemment politique, dont les membres sont nommés par les autorités politiques, qui est saisi par des autorités politiques mais, qui pour se maintenir ou se légitimer, doit se parer de juridique et de neutralité. Sinon, pourquoi remarquerait-on qu’il n’y a plus aucune personnalité de gauche au Conseil si l’on était assuré d’obtenir de ses membres des décisions purement juridiques ?
Comme amuse-bouche de ce colloque, je vous propose la vidéo de mon échange avec Michel Charasse, lors de son audition devant la commission des lois, préalable à sa nomination au Conseil Constitutionnel, le 24 février dernier.
« Je défendrais la thèse que le Conseil est une institution éminemment politique, dont les membres sont nommés par les autorités politiques, qui est saisi par des autorités politiques mais, qui pour se maintenir ou se légitimer, doit se parer de juridique et de neutralité. »
Ne soyez pas si dur avec ces pauvres juges constitutionnels. Oui, il est vrai que le Conseil Constitutionnel est une autorité et non un pouvoir. Le constituant l’a voulu ainsi. Et avoir le CC comme autorité est beaucoup mieux que de ne pas l’avoir. Cela évite de faire passer des lois scélérates à tout bout de champ. Et si cela peut rappeler – même si le CC n’utilise pratiquement jamais cet argument mastoc : en cela, il est effectivement beaucoup trop gentil et respectueux du Législateur, et pas assez attentif au citoyen – au Législateur qu’il n’a pas été mandaté pour pondre des lois mais pour FAIRE LA LOI, et que ce travail exige un minimum de sérieux, ne serait ce que parce que ladite loi va peser sur 60 millions au moins de personnes…C’est très bien !
C’est vrai les membres du Conseil Constitutionnel sont nommés par les pouvoirs en France. Mais les membres du parquet aussi. Et les juges également. Pourtant, et heureusement (!) la France n’est pas encore un « enfer judiciaire » !
Mieux encore. Les membres du CC bénéficient d’un « privilège » qu’ils partagent avec les membres de la Cour des Comptes : ils sont inamovibles. Ils sont donc plus protégés que la Justice. Et c’est sans doute pour cela que la question de faire de la Justice un « pouvoir » réel est plus souvent posée que celle de donner au CC le rôle d’une Cour Suprême.
Ce qui tend à donner un argument à ceux qui considèrent que l’indépendance d’une personne amenée à prendre des décisions importantes dépend moins du procédé par lequel elle est désignée (ou élue) que de l’inamovibilité de cette personne.
A bien des égards, je pense que si l’on interroge une personne sur l’indépendance d’un député UMP et celle d’un juge à Bobigny, il considérera le juge comme plus indépendant que le député UMP. Alors même que le député est, en principe, détenteur d’un pouvoir. Alors que le juge n’est qu’une « autorité » dépendante du Ministre de la Justice.
Ajoutons à cela que le juge a une arme et qu’il s’en sert : le droit. Le député UMP – mais pas que – lui a une arme nucléaire mais il ne l’utilise pratiquement jamais : la DDHC de 1789. Pas un seul député PS pour faire valoir que la « loi ne lutte pas contre ce qui est nuisible à la Société ». Pourtant une jurisprudence du CC aurait été fort opportune pour éviter pleins de lois stupides.
Résultat ? Autorité…Le juge défend son indépendance…Et fait grève lorsqu’il est question de supprimer le juge d’instruction. Pouvoir…Le député UMP explique sur une radio publique que, tenez vous bien, « conformément à la V République, je ne désire pas que le Législateur supplante l’Exécutif » ! Encore un qui n’a pas compris la différence entre un « courtisan » et un « ami », un « serviteur/vassal » et un « député » !
La saisie est maintenant possible pour les citoyens. Cela va, je pense, obliger le CC a être encore plus « juridique »…Car si les « petits arrangements avec le droit » pouvaient encore tenir, dès lors que les décisions du CC – surtout en matière sécuritaire – étaient peu médiatisées…L’arrivée du « justiciable » lambda va changer, je pense les choses. Les politiques peuvent être prévisibles. Les citoyens jamais.
Par ex, la loi des finances est analysée par le CC selon l’angle qu’on lui donne. Si les députés PS contestent le bouclier fiscal…Il va étudier le bouclier fiscal. Et pas nécessairement le reste.
Maintenant, imaginons qu’un citoyen pose au CC la question suivante : le code des impôts est il constitutionnel ? Et voilà le CC contraint d’étudier TOUT ledit code…Sous l’angle de l’article 13 de la DDHC.
« Article 13 – Pour l’entretien de la force publique, et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable; elle doit être également répartie entre les citoyens, en raison de leurs facultés. »
Bon alors, nous disions : la TVA, la TIPP, la CSG, la taxe carbone, la taxe Chirac…Inconstitutionnelles ! Et une Révolution…Une ! Moins sanglante mais tout aussi meurtrière. Là, je suis pas sur que M. SARKOZY voudra se représenter ! Surtout si l’on considère que la DDHC parle de « contribution » non… »D’impôt ». Les « contributions » sont donc aussi bien les taxes que les impôts !
Avec une telle décision – le code des impots est inconstitutionnel au regard de la DDHC – vous pouvez être sur que les médias vont investir les lieux. Surtout si en deuxième audition on a la fin de la garde à vue, à la troisième la fin de la loi sur le dimanche travaillé (étant donné que le statut de l’Alsace Lorraine est inconstitutionnel : entre sauver la loi et subir l’ire des alsaciens et lorrains, je crois que les élus UMP vont préférer jeter la loi) et en quatrième audition, pourquoi pas, la fin des lois qui ne « luttent pas contre ce qui est nuisible à la Société » !
« Sinon, pourquoi remarquerait-on qu’il n’y a plus aucune personnalité de gauche au Conseil si l’on était assuré d’obtenir de ses membres des décisions purement juridiques ? »
C’est exact. Néanmoins, même les personnalités « de gauche » ne font pas la différence. Je veux dire par là que si Sarko était vraiment intelligent, il en aurait fait mettre plusieurs « de gauche » mais pas suffisants pour former une « majorité ». Résultat ? Il aurait pu s’abriter derrière ces « gens de gauche ». Mais le problème de Sarko, c’est qu’il y a, à la présidence du CC, le bon ami de M. Chirac, qui n’a pas particulièrement de tendresse pour lui. Tant que celui là résiste, tout va bien. Même si, effectivement, en matière sécuritaire, le CC est trop laxiste.
Reste qu’il faudra, de toute manière, passer à un moment à un autre, à un Conseil plus juridique, effectivement. Mais faudra t il en faire un « pouvoir » ? Ca…Seul un référendum pourra le dire.