Je vous propose de prendre connaissance de l’entretien paru dans Libération d’hier sur, évidemment, la sécurité.
Les questions m’étaient naturellement imposées et l’espace pour y répondre logiquement limité. Il n’était donc pas possible de tout dire. J’ai donc tenté d’équilibrer mes réponses entre la nécessaire critique de la pratique de Nicolas Sarkozy et la part indispensable qui incombe à l’opposition.
Aujourd’hui, Brice Hortefeux a annoncé la création d’une nouvelle Unité Territoriale de Quartier (UTeQ) à Perpignan. C’est une meilleure manière de combattre la délinquance que les opérations médiatiques menées à Grenoble. Reste à espérer pour les Perpignanais que les effectifs qui vont être affectés à cette unité ne sont pas pris sur ceux du commissariat mais qu’ils viennent en renfort…
Contrairement à une opinion largement répandue, donc le parti socialiste ne se désintéresserait pas des questions de sécurité. Nous sommes gré Monsieur Urvoas de vos commentaires et propositions.Nous espérons que les socialistes sauront construire une vraie politique de sécurité, construite avec intelligence, loin d’une politique du fait divers, des annonces verbales en tous sens et qui pour tout dire ressemble à une politique de gribouille.
Nous attendons donc avec impatience la sortie du livre blanc que vous avez promis sur le sujet .
Je dois dire que je suis un peu déçu par cette interview…Au regard de ce dont nous vous savons – mon épouse et moi même – capable.
Pour commencer, en dépit des efforts constants du journaliste pour vous ramener à son propos, vous déviez systématiquement, et répondez dès lors à coté de la question qui vous est adressé.
Ainsi, alors que le journaliste vous interroge sur comment décoller au PS l’étiquette de naïveté sinon de dénie de réalité qui serait sienne en matière de sécurité…Vous nous parlez du « mythe » de l’efficacité de la « droite ». Or, si l’on peut comprendre que vous souhaitez dénoncer le coté donneur de leçon de la « droite » sur une thématique où les Français lui reconnaîtrait une plus grande aisance, le fait de « prendre le large » en occultant la question posée, accrédite en quelque sorte les propos de la « droite » à l’égard du PS, de la « gauche » en général.
Sensible, probablement, à l’effet provoqué par cette déviation de la question, le journaliste de Libération récidive d’ailleurs, en reformulant sa question…A laquelle vous ne répondez pas plus ! En effet, une fois de plus, vous critiquez le « mythe » de l’efficacité de la « droite », bref vous éludez l’interrogation légitime du journaliste…Donnant, une fois de plus, crédit à la « faiblesse », au « complexe » du PS sur une thématique qui n’est pas le premier droit de l’Homme – il s’agit de la Liberté ! La Sureté n’arrive qu’en dernière place dans les quatre droits naturels de l’Homme ! – mais reste néanmoins un pilier de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789.
A la troisième question, faute de vous avoir entendu argumenter sur les possibles performances des membres du PS en matière sécuritaire – par ex au niveau local – le journaliste est contraint de rappeler lui même la tenue prochaine d’un livre blanc (même s’il a la grâce de dire « vous annoncez » : bon diplomate ce journaliste !) pour embrayer sur les solutions concrètes. Et…Là encore, vous ne répondez pas à la question…Et continuez à dénoncer la politique gouvernementale, cette fois ci en vous plaçant sur le terrain de la cohérence entre les objectifs visés et les moyens mis en œuvre pour ce faire. Ce qui est certes intéressant, d’une certaine manière, mais on reste…Si je puis dire…Sur sa faim. D’autant que vous persistez – heureusement qu’il s’agissait d’un journaliste de Libération ! – à passer outre les questions que l’on vous posent !
La quatrième question est politicienne et manque d’intérêt à mon sens. La seule chose décevante est que – serait ce une stratégie du PS ? – vous répondez encore à coté ! Car Martine AUBRY a effectivement riposté…Mais sur le terrain des valeurs, et c’est pour cette raison qu’elle a reçu une volée de bois vert de la part de ses opposants UMP…En revanche, elle a – comme l’a bien dit le journaliste – gardé le silence sur la thématique en elle même : la sécurité. Critique oui, proposition : en janvier 2011 ?
Avec la cinquième question, vous continuez d’éluder. On vous demande si le PS veut rétablir la police de proximité ? Vous donnez votre vision de la police « parfaite » mais vous gardez de répondre à la question. Que faut il en déduire ? Bref, une réponse qui n’apporte pas grand chose.
Les deux seules questions où vous répondez franchement, sont celles relatives à l’aspect prévention. A savoir celle sur la délinquance juvénile et sur le positionnement du PS en la matière. Comme si sur ce terrain là – la prévention – le PS (via votre personne) était effectivement à l’aise…Mais pas sur le coté, je dirais, non pas répressif mais violence légitime de l’État lorsqu’il fait face à des individus coupables de résistance à la loi.
J’ai conscience – en tant que chef d’entreprise je dois aussi savoir gérer mon temps quand un média s’interroge sur les activités de celle ci ou quand il y a un problème éventuel au sein de la société – qu’on ne peut pas tout dire dans une interview.
Je regrette cependant que vous ayez donné – à force d’éluder les questions que l’on vous posait – volontairement ou non, l’impression de ne pas être à l’aise sur un sujet que, pourtant, vous maîtrisez, comme le prouve vos « prestations » à l’Assemblée Nationale, vos écrits sur le blog, ou encore quelques interviews/débats à la télévision, où vous arriviez à prendre « l’ascendant » surtout face à des personnages tels que M. LEFEBVRE ou Mme MORANO.
A la première question, vous auriez pu ainsi répondre à l’accusation d’angélisme par les performances locales des élus du PS. Leurs bilans seraient ils à ce point risibles pour les passer sous silence ? Si vous avez raison de dénoncer le mythe de l’efficacité de la « droite » pourquoi ne pas avoir répondu à la question de « l’étiquette » du PS ? Au passage, si les forces de l’ordre n’ont pas à « faire la guerre » à quiconque (c’est le travail de l’armée), en revanche, elles n’ont pas plus mission d’assurer la « tranquillité » des citoyens. Leur travail consiste uniquement à maintenir l’ordre public.
Pour la deuxième question, pourquoi ne pas avoir, dans un premier temps, fait valoir que non le Président SARKOZY ne durcit pas sa politique sécurité car 1) ce n’est pas son rôle…C’est celui du Premier Ministre, lequel ne s’est pas exprimé sur le sujet ; 2) il s’agit là plus de gesticulation qu’autre chose…Comme le prouve l’étude détaillée de ladite « politique sécuritaire » dans l’ouvrage UBU LOI…Et une fois de plus, avoir donné quelques exemples locaux, démontrant que le PS est loin d’être « complexé » sur la thématique de la sureté ? C’est très bien de parler de slogans réducteurs, frénésie législative, culture du chiffre…Mais pourquoi ne pas avoir donné quelques données chiffrées prouvant vos dires (et les chiffres officiels ne sont pas vraiment en faveur de ladite politique) et pourquoi pas, fait référence à UBU LOI pour dénoncer le caractère « loi de fait divers » de ces annonces…Qui tombent justement en pleine affaire WOERTH ?
Vous auriez pu suivre le même chemin pour les autres questions. Pour ex, vous dites que Mme AUBRY aurait prouvé qu’elle n’est pas naïve sur la thématique sécurité…Au regard de son score électoral. On a envie de vous riposter : donc M. CHIRAC avait prouvé qu’il était un formidable Président en gagnant par défaut en 2002 ? Je doute pourtant que tous les militants du PS qui sont allés voter avec une « pince à linge sur le nez » ait honoré par leur vote la personne de J. CHIRAC ! Ou encore que les Français aient plébiscité le parti présidentiel en 2009…Avec 60% d’abstention ! (Mme AUBRY a été réélue dans un contexte d’abstention supérieure à 55%) Un meilleur exemple de ce manque de « naïveté » aurait pu être pu être la politique de la maire de Lille en matière de sureté, ne croyez vous pas ?
Une dernière remarque. En demandant aux Français d’attendre 2011 pour satisfaire leur curiosité sur les propositions du PS en matière sécuritaire, vous semblez donner le bâton pour vous faire battre. Car si la « droite » est incohérente, le PS ne l’est il pas autant…En dénonçant sans proposer ? M. SARKOZY est depuis huit ans « aux affaires ». Et il faut attendre 2011 pour obtenir des propositions concrètes ? Mais qu’a donc fait le PS pendant huit ans ?
En 2007, Mme ROYAL – candidate du PS pour l’élection présidentielle – proposait les objectifs suivants en matière de sécurité :
50- Rétablir la civilité :
- Apprendre la civilité aux enfants : des programmes d’éducation au respect de l’autre pour apprendre aux enfants à gérer les conflits par la parole plutôt que par la violence.
- Garantir à chacun de voyager sans crainte dans les transports en commun (RER, TER, trains de banlieue, tram et bus, spécialement la nuit) en imposant des obligations règlementaires plus grandes aux transporteurs (recours plus grand aux équipements technologiques, personnel plus importants aux horaires sensibles…).
- Mettre en place des gardiens dans tous les immeubles sociaux.
51- Lutter contre les violences scolaires en renforçant la présence des adultes dans les établissements :
- Recruter des surveillants des collèges.
- Doter chaque établissement d’une infirmière scolaire et d’une assistante sociale à temps plein.
52- Être ferme face aux mineurs violents :
- Mettre en place une politique de prévention précoce de la violence : encadrement éducatif renforcé, mise en place de tuteurs référents.
- Développer les brigades des mineurs dans chaque commissariat des grandes zones urbaines.
- Prendre des sanctions fermes et rapides : un plan d’urgence sera mis en place pour la justice des mineurs (recrutement de juges des enfants, d’éducateurs, de greffiers)
- Mettre en œuvre des solutions nouvelles pour extraire les mineurs de la délinquance : suppression des peines de prison pour les mineurs en dehors des cas d’atteintes graves aux personnes ; développement des centres éducatifs renforcés, si besoin avec un encadrement militaire.
53- Faire de la lutte contre les violences conjugales une priorité nationale :
Faire adopter une loi cadre sur les violences conjugales prenant en compte tous les aspects permettant d’éradiquer ce fléau.
54- Créer une nouvelle police de quartier pour mieux assurer la sécurité quotidienne :
- Procéder à une répartition plus juste des effectifs : donner la priorité aux renforcements quantitatifs et qualitatifs des zones sensibles.
- Affecter des policiers expérimentés, bénéficiant d’une réelle différenciation de rémunération, dans les secteurs plus difficiles (avantages de carrières, aides au logement, etc.)
55- Aider les victimes :
- Faciliter et moderniser le dépôt de plainte pour briser la loi du silence : amélioration de l’accueil dans les commissariats par la mise en place de travailleurs sociaux de la police nationale, possibilité de déposer plainte via Internet.
- Mettre un avocat à la disposition des victimes de violences graves dans l’heure suivant le dépôt de plainte.
- Répondre au besoin de justice
56- Doubler le budget de la justice pour la rendre plus rapide et respectueuse des droits.
57- Faciliter l’accès à la justice des plus modestes :
- Renforcer l’aide juridictionnelle.
- Renforcer les maisons de la justice et du droit
- Mettre en place un service public d’aide au recouvrement des dommages et intérêts alloués aux victimes.
A quoi ont donc servi les débats de 2007 ? Je veux bien que la délinquance ait subi quelques changements…Mais en trois ans aurait elle donc changé du tout au tout ?
Le PS manque de crédibilité en matière sécuritaire parce qu’il ne semble pas être en capacité d’utiliser ses élus locaux et les débats de l’élection présidentielle. Pire encore, le PS – via votre personne – donne l’impression d’être moins en capacité que la « droite » en la matière, en éludant les questions gênantes, en remettant toujours à plus tard. Si M. SARKOZY était au Gouvernement depuis un an…On peut admettre que le PS aurait besoin de temps pour formuler des choses. Mais après huit ans ? N’a t on toujours pas cerné le personnage ? Et sa politique ? Et déduit dès lors ce qu’il faut jeter, ce qu’il faut garder, quoi mettre au placard, quoi proposer aux Français ?
Les Français, vous le savez je pense, ont une très grande déférence à l’égard de l’État. A ne pas confondre avec le personnel politique. Ils croient en la toute puissance de l’État…Et estime, le plus souvent assez justement, que ce dernier ne fait pas tout ce qu’il devrait ou pourrait faire. Ils ont aussi parfaitement compris que le personnel politique a peur. Et c’est pour cela qu’ils votent – pour certains du moins – pour les extrêmes. Pour contraindre ledit personnel politique, même par démagogie, à réagir. Cette réaction est temporaire, ne règle rien, mais a au moins le mérite d’exister.
Si le PS cessait d’avoir peur, et dénonçait la couardise de la « droite » à vraiment faire face aux problèmes posés, je pense qu’il trouverait une certaine légitimité. Mais tant qu’il se fera complice du « on peut mais on ne fait rien car on a peur » il suscitera toujours le coup de balancier à l’égard de la « droite » qui dit « on a peur mais il faut qu’on se jette dans le vide même si c’est pour vite retrouver le confort très rapidement » . Et le vide vaut mieux que rien…
Le « complexe » du PS semble donc bien réel. Car si le répressif est une position naïve, celle de la seule prévention l’est tout autant. Car le vrai problème, c’est le défi de crédibilité de l’État, qui est attaqué sur sa légitimité a exercé un pouvoir régalien : la sureté. Les Français ont parfaitement compris que pour être respecté, il faut être respectable (il y a encore du boulot), au dessus de tout soupçon (idem) et savoir être aussi la main de fer…Pas uniquement le gant de velours. Ce qui ne veut évidemment pas dire qu’il faut faire du répressif toutes les deux minutes…Mais assumer la souveraineté de la France et la légitimité du régime politique.
Charles V de France l’a très bien compris. C’est pourquoi il a fait la preuve, tant pour ce qui est de ses sujets que pour l’extérieur ou les ennemis intérieurs du Royaume, qu’il était Empereur en son Royaume. D’où effectivement le redressement des forces de sureté…Mais aussi une réelle politique à l’encontre des Compagnies, fléaux du siècle.
Le PS ne s’attaque pas à cette problématique. Pourtant, c’est bien la cause de la montée de la violence et de la délinquance : une manifeste mauvaise volonté – sauf de manière épisodique ou uniquement dans les mots – du pouvoir (et je parle ici tant de la majorité que de l’opposition) des élus à utiliser les pouvoirs qui vous ont été mandaté…A bon escient évidemment. Que fait – au plan local – le PS pour restaurer le crédit de l’État en tant que force publique chargée de maintenir l’ordre public ? Que propose le PS – au niveau national – pour rendre respectable l’État ? Et ainsi « dé légitimer » certaines actions de personnes qui dénient à la puissance publique sa légitimité à exercer un pouvoir régalien ?
Les mêmes réponses que celles que de nombreux élus – de gauche comme de droite – énoncent lorsqu’on a le malheur de dénoncer leur absentéisme ? Leurs émoluments ? Leur absence de transparence ? Leur propension à la dépense, sinon au gaspillage ? « Populisme » ! « Antiparlementarisme » !
Si en matière de lois des finances il est difficile de faire grand chose…Le PS pourrait aussi jouer le nombre – surtout s’il se décide à mettre en œuvre le non cumul des mandats pour les élus incapables d’assumer deux mandats sans en bâcler au moins un – pour « peser » au niveau national. On sait – en lisant autheuil notamment – que la « majorité » est incapable d’aligner plus de 60 députés par séance. Il suffirait donc au PS d’avoir des députés « à plein temps » pour rendre les choses beaucoup plus dur pour l’adoption des lois. Surtout si cette bonne volonté est durable…Et non temporaire. Rameuter les troupes une fois, çà va. Deux fois, aussi. Mais au bout de 10, de deux choses l’une : soit la « majorité » entame un débat sur le non cumul des mandats pour mettre fin à l’hémorragie de lois votées sous l’angle du PS ; soit les lois « sécuritaires » (notamment) seront démontées une à une, parce que le Gouvernement ne pourra pas compter 365 jours sur 365 sur « sa » majorité…Dès lors que le PS alignera deux centaines de députés…Avec pourquoi pas un système de roulement, pour permettre aux députés « cumulards » de ne pas trop bâcler leur mandat local.
Si en matière de sécurité, il est aussi difficile de remplacer la police nationale – ce n’est d’ailleurs pas une demande des Français – est il donc à ce point insurmontable de coordonner une politique cohérente et efficace avec les échelons administratifs ? Si la solidarité nationale peut jouer en matière économique…Pourquoi la chose ne pourrait elle pas être possible en matière de sécurité ? Du style, les régions les plus riches donnent à leurs consœurs pauvres les moyens de lutter contre « l’insécurité » ce qui sera profitable à tout le monde, régions riches comme pauvres. Et puis, puisque le Gouvernement refuse ses responsabilités, dénonciation de cette couardise gouvernementale. Impossible n’est pas français. Qu’attend on pour tenter l’impossible ?