Hier Monsieur Guéant a proposé de réduire «un premier temps» l’immigration légale de 200 000 personnes par an à 180 000 personnes.
Ce faisant, il reprend à son compte l’un des arguments les plus vieux et les plus économiquement infondés de l’extrême droite : les étrangers travaillant en France, même légalement, seraient trop nombreux et leur présence expliquerait le chômage.
C’est évidemment absurde. Les 20 000 personnes admises en moyenne chaque année au titre de l’immigration du travail n’ont rien à voir avec le fait que plus de 4 millions de nos concitoyens sont aujourd’hui inscrits au Pôle emploi et que six millions des salariés vivent avec moins de 750 euros par mois.
Heureusement au sein de la majorité, certains députés sont hostiles à cette dérive comme le montre la démission de l’UMP du maire de St Malo. Et même le Medef a mis en garde contre le danger d’un pays qui se fermerait alors que l’immigration légale du travail correspond à un besoin de notre économie.
Stigmatiser les étrangers qui travaillent légalement en France ne fera pas baisser la courbe du chômage.
René Couaneau montre depuis déjà de longues années un enthousiasme visible pour la politique sarkozienne. D’habitude, je me méfie des « apolitiques de droite », mais lui est vraiment un élu au service de tous…
« Ce faisant, il reprend à son compte l’un des arguments les plus vieux et les plus économiquement infondés de l’extrême droite : les étrangers travaillant en France, même légalement, seraient trop nombreux et leur présence expliquerait à le chômage. »
Etant chef d’entreprise, je suis d’accord avec vous pour dire que les étrangers qui travaillent en France, n’expliquent pas le chômage que la France traverse.
L’explication est beaucoup plus simple : si le pouvoir d’achat de la population française baisse, forcément la consommation aussi. Les Français (au contraire de leurs dirigeants) étant des épargnants, des « fourmis » au pays des « cigales » gouvernantes (cf A. SMITH), la croissance repose exclusivement, en France (ce n’est pas le cas de l’Allemagne) sur la croissance. Donc, dès que la conso baisse…La production aussi. Si moins de besoins il y a…Il y a forcément moins d’activités, dont de jobs ! D’où le chômage !
Autre explication, toute aussi simple : les dirigeants Français n’en ayant que pour les intérêts allemands (cf les accords des dix dernières années) et croyant naivement que le pays est semblable à ses collègues européens (Allemagne en tête) – ce qui prouve que même dans une économie globalisée et libérale les dirigeants Français n’ont toujours pas compris la théorie des avantages absolus et comparatif ! (cf RICARDO) – l’euro ne cesse de plomber (à l’extérieur) nos entreprises…Et sur le plan intérieur (conso). Pour l’Allemagne, c’est tout bénéf, puisque l’euro s’est aligné sur le mark, et que sa croissance dépend de ses actions extérieures. Pour la France, c’est un handicap de taille, puisque le franc était une monnaie fragile mais intéressante à l’extérieur (d’où aide pour nos entreprises) et facilitant la conso (avec l’euro, c’est limite (dans la tête des gens au moins) : un euro équivaut un franc d’hier). Faut il s’étonner dès lors qu’il ait suffit d’une « crise de l’euro » pour redresser la balance commerciale de la France ?
Aujourd’hui, beaucoup de Français considèrent (à juste titre) que l’immigration (légale comme illégale) n’a pas de sens. Non pas parce qu’ils croient que les immigrés leur prennent leur job (sinon, on aurait un taux de chômage proche de zéro chez les nouveaux arrivants, alors que c’est souvent le contraire) mais parce qu’ils ne comprennent pas (il faut dire qu’aucun parti ne s’est donné la peine d’expliquer !) pourquoi on continue de favoriser l’immigration…Alors que, justement, nous n’arrivons déjà pas à donner à job aux « résidents » actuels.
Il y a, dans ces interrogations des Français, deux messages que le PS n’écoute pas. Et c’est bien dommage.
-le premier message est moral : pourquoi faire venir des gens dans notre pays (pour y travailler) alors qu’il y a plus d’une chance sur deux qu’ils se retrouvent au chômage ? Où est l’intérêt, pour ces personnes (en dehors du fait d’avoir un régime social plus favorable, peut être, que dans leur pays d’origine) ?
-le deuxième est (disons) patriote : où est l’intérêt de la France, là dedans ? Faisons nous venir des personnes, sur notre territoire, dans le seul but de les envoyer chez Pole Emploi ? Pour qu’ils pèsent (pardonnez moi, mais les citoyens sont aussi des contribuables) sur nos finances publiques, à un moment où celles ci ne sont guère pleines ?
Faute d’obtenir comme autre réponse des partis que « c’est un besoin de notre économie » sans plus d’arguments pour soutenir ce point de vue ou « l’immigration est une chance pour la France » sans plus d’explication à cette affirmation toute faite…Les Français en sont (nécessairement) réduits à répondre, eux mêmes, à leurs propres questionnements.
Et c’est leur fiche de paie, en fait…Qui finit par leur donner les premières conclusions. A savoir que cette « demande d’immigration » est la demande des grands patrons (pas des PME, du Médef), désireux de pouvoir bénéficier d’une main d’œuvre nombreuse, docile et bon marché…Et d’instrumentaliser cette dernière, pour faire baisser les ardeurs revendicatrices des travailleurs Français souvent organisés !
En d’autre terme, l’immigration souhaitée par le grand patronat n’a qu’un seul but : faire pression à la baisse sur les salaires.
Les chiffres donnent même raison à cette analyse. On écoute le CEA, organisme rattaché au Premier Ministre (rapport de 2009) :
1. « En économie, la notion de « pénurie » de main d’oeuvre dans un secteur d’activité donné n’a pas de sens en période de chômage. »
C’est pourtant systématiquement ce facteur qui est mis en avant pour justifier le recours à l’immigration : le bâtiment peine à recruter tant de dizaines de milliers de travailleurs en France, il faut donc aller chercher la main d’oeuvre ailleurs, entend-on souvent.
« Du point de vue de la science économique, la notion de pénurie n’est pas évidente » nous dit ce rapport, ajoutant que le « fait que certains natifs rejettent certains types d’emplois peut simplement signifier que les travailleurs ont de meilleures opportunités que d’occuper ces emplois, et donc que les salaires correspondants devraient augmenter pour qu’ils soient pourvus » (page 45).
Autrement dit, une pénurie de main d’oeuvre se forme lorsqu’un secteur n’offre pas les salaires jugés suffisants pour devenir attractif.
Poursuivons le raisonnement, et alors on comprend qu’au lieu d’augmenter les salaires, le patronat a tout intérêt à créer une pénurie, qu’il comblera en allant chercher ailleurs une main d’oeuvre prête à accepter des salaires plus faibles !
C’est la conclusion à laquelle le rapport parvient sans ambiguité : « Dans le cas du marché du travail, cela signifie qu’à la place de l’immigration des années soixante on aurait pu envisager une hausse du salaire des moins qualifiés » (page 46).
Le rapport du Conseil d’Analyse Economique recense également une série d’études françaises et étrangères qui ont tenté de chiffrer l’impact de l’immigration sur les salaires : « Atlonji et Card [deux économistes] trouvent qu’une hausse de la proportion d’immigrés d’un point de pourcentage réduit le salaire de 1,2% » (page 37)
Hunt [une autre économiste] trouve qu’une hausse de la proportion de rapatriés d’un point de pourcentage a réduit le salaire d’environ 0,8% » (page 37).
Concernant les Etats-Unis, « Borjas [un économiste] conclut son étude en affirmant qu’entre 1980 et 2000, l’immigration aurait accu l’offre de travail d’environ 11%, ce qui aurait réduit le salaire des natifs d’environ 3,2%, et que cette réduction frappe la plupart des catégories d’expérience et d’éducation, mais de manière inégale » (page 38).
CONCLUSION :
Oui, le PS a raison de dénoncer l’utilisation des thématiques du FN pour faire valoir une théorie économique fausse : l’immigration n’explique pas la hausse du chômage en France. Pas plus que le recours des plombiers Polonais n’explique le chômage d’une partie des plombiers Français.
En revanche, l’immigration, comme la « directive services » (Bolkenstein) permettent à des sociétés, fort peu regardantes, d’instrumentaliser un phénomène qui ne date pas de la construction européenne – la libre circulation des personnes (déjà sous Louis IX les « universitaires » étaient libres de circuler dans toute la chrétienté par ex) – à des fins pour le moins contradictoires avec nos valeurs communes, qui du reste ne sont pas vraiment à analyser comme étant des facteurs d’intérêt pour le pays.
Les partis politiques sont préservés, eux, de la concurrence. Pas les Français. Le « marché » des politiques est tout de même une niche très protégé. On ne peut (par ex) pas devenir un élu en France (sauf élections européennes)…Si l’on n’a pas la nationalité française. On peut, en revanche, tout à fait travailler en France, qu’on soit Français, issu des pays européens, ou citoyens venus d’autres continents. Il n’y aucun « protectionnisme » à l’égard des travailleurs Français. Alors qu’il y en a un pour les politiques. (Qui n’existait pas en 1789, puisque pouvait devenir élu, toute personne partageant les convictions de la Révolution : d’où la présence de députés de la Nation d’origine suisse, américaine, et même anglaise !)
Que le PS soutienne l’immigration, c’est son droit le plus strict.
Mais qu’il ne vienne pas prétendre qu’en le faisant, il sert la cause des migrants…Puisqu’il permet au MEDEF, entre autres, de les exploiter ! Et de les instrumentaliser, en vue de remettre en cause les « acquis sociaux » obtenus par les travailleurs Français…Ce qui fait baisser le salaire de nos compatriotes, et nuit à la France, eut égard au fait que toute baisse des salaires atteint, nécessairement, notre croissance.
Mais, me direz vous, pourquoi le Medef soutient il si fort une baisse des salaires, qui in fine devrait lui nuire ? Parce que les entreprises du MEDEF sont des sociétés « ouvertes » comme il vous le dirait. Son « marché » c’est le monde. Le marché intérieur français (qui compte énormément pour les PME) le Medef s’en tamponne. Tant pis si la France a une croissance qui patine, un chômage qui perdure…Pourvu que ses propres intérêts, à lui, soient conservés !
En vérité, le PS devrait faire une sacrée introspection. Parce que la COHERENCE de son propos, est ici battue par ses actes ou sa passivité. De la part de la « droite » qui a toujours combattue les « droits sociaux » (sauf parenthèse DE GAULLE), un tel ralliement aux causes du Medef se comprend aisément…Mais venant de la « gauche » (si le PS se prétend toujours « de gauche ») les choses sont moins compréhensibles.
Comment comprendre qu’un parti qui milite activement pour les droits sociaux…Ne comprenne pas que 1) la Stratégie de Lisbonne II est un texte lobbytisé par le Conseil Européen des entreprises dirigés par un grand patron du CAC 40 ? M. Seillère ! 2) M. BARROSO est un pantin ultra libéral, d’autant plus que lui même n’est soumis à aucune concurrence 3) l’immigration est une « aussi grande chance » pour les travailleurs Français et les migrants…Que jadis la colonisation ?
Longtemps, la « gauche » a soutenu la colonisation. Lequel phénomène était, en soit, ni bon ni mauvais. Mais comme souvent, « l’oeuvre » humaniste du départ (comme l’ouverture des frontières) a été dénaturée pour être instrumentalisée par le Medef de l’époque ! Les « colonisés » devenant (quelque soit leur statut) une main d’oeuvre opportune pour tous les patrons peu regardants du pays !
Heureusement, la « gauche » a fini par ouvrir les yeux…! Et – comme par hasard ! – la fin de la colonisation coincide avec une montée des salaires en France ! Etonnant…Non ? Surtout si l’on juge qu’après M. POMPIDOU…Les « vannes » de l’immigration ont été ouvertes…Et – comme par hasard – les salaires sont de nouveau baissés ! (Les profits par contre…) La faute à la crise sans doute ?
Bref, le PS doit revoir, sans délai, sa copie. Pour :
-soit (proposition la plus facile) suivre M. GUEANT dans sa volonté de réduire l’immigration légale…Mais pour des raisons plus « gauchistes » énoncées plus haut.
-soit (bien plus difficile) construire un projet visant à permettre l’immigration dans notre pays…Mais en luttant (efficacement) contre l’exploitation des migrants par les grands patrons. Ce qui nécessite 1) une séance devant la CJUE pour défendre le caractère social de la République 2) une remise en cause de la directive des « services » qui propose, entre autres, d’employer une personne à son salaire « d’origine » et non à celui du pays (exploitation quand tu nous tiens !) au nom (par ex) des valeurs de l’UE, notamment de la Charte, qui prévoit un « salaire décent » pour tous 3) une représentation syndicale pour les migrants dans les décisions prises par les organisations « sociales » françaises.
D’ici là…Et quelque soit le chemin (in fine) choisi par le MEDEF, ARGUMENTER et pas seulement FUSTIGER ! M. GUEANT dit un tas de bétises. Ce n’est, cependant, pas une raison suffisante pour s’abstenir d’argumenter, en croyant naivement que le bon Peuple (qui lui est soumis au marché, au contraire de ses représentants) se contentera de formules ou d’affirmations sans queue ni tête.