Ce que nous commémorons aujourd’hui, c’est autre chose qu’un armistice comme celui du 11 novembre 1918, c’est l’effondrement il y a 66 ans d’un régime totalitaire, qui érigea le racisme, la xénophobie, l’antisémitisme en religion d’Etat et en modèle à imposer par la force au reste du monde.
Pour la première fois dans l’Histoire, des populations entières furent anéanties sous le seul prétexte qu’elles relevaient aux yeux des nazis d’une sous-humanité abhorrée, parce que juive, parce que tsigane, parce qu’homosexuelle…
Etoile jaune, étoile rouge, étoile rose : comment dire l’indicible ? Comment dire que sur notre continent aujourd’hui en paix, on massacra un jour des millions d’hommes, de femmes, d’enfants dont le seul crime était d’être nés ?
« Ecraser le serpent dans l’œuf », comme disait Bertolt Brecht, – telle est bien la première des leçons qu’il nous appartient de tirer de l’Histoire. Ne jamais laisser le moindre espace au racisme, à la stigmatisation des étrangers, à la désignation des plus faibles et des plus pauvres comme responsables de nos maux.
On ne peut pas – à mon sens – commémorer (fêter) – un régime autoritaire.
Si les commémorations ont un devoir, c’est celui de reconnaissance envers le passé, c’est de se souvenir combien la guerre a arraché de vies humaines, dans les combats. La guerre est la pire maladie du monde, qui fabrique des morts et des fous, des ruines et des malades. Nous avons un devoir de reconnaissance envers toutes ces vies perdues en sacrifice pour notre liberté et la lutte contre toute barbarie.
Chacun des noms égrenés sur les monuments aux morts rappelle autant d’épreuves traversées par ces générations du feu. Les générations d’après guerre, vivent une paix concrète depuis soixante quatre ans – paix relative puisque notre pays est en guerre extérieure (conflits à l’étranger) et interne (terrorisme) – ainsi, les hommes de toutes les origines qui sont morts n’ont pas fait la guerre pour rien.
Quand nous allons – c’est mon cas – rendre hommage à nos soldats, lors des cérémonies officielles (tant armistices que 14 juillet) nous rendons grâce pour leur courage, leur témérité, leur sens de l’honneur…Mais nous désignons aussi la guerre, comme instrument du Mal. C’est d’elle que nous parlons. Elle qui ne laisse jamais quiconque indifférent, elle qui n’apporte sur son chemin que destruction, haine, folie et inhumanité.
C’est pourquoi nous devons continuer de oeuvrer pour la paix dans le monde (et pas seulement à l’intérieur de nos frontières) parce que nous savons quels torts la guerre nous a fait. Quel fléau elle a entraîné. Quelle haine elle a attisé. Quels mauvais sentiments elle nous a inspiré. Et combien il nous serait facile – peu importe la raison invoquée – de nous y replonger. En témoigne notre appétence pour la violence, physique ou morale. Nous cherchons à nous élever, mais nous sommes aussi des êtres imparfaits, manquant de patience et de sagesse, et souvent nous prenons de mauvaises décisions.
Alors faut il – pour éviter que les drames du passé se reproduisent – prendre aux mots Brecht quand il dit qu’il convient d’écraser « le serpent dans l’œuf » ? Faut il ne « jamais laisser le moindre espace au racisme, à la stigmatisation des étrangers, à la désignation des plus faibles et des plus pauvres comme responsables de nos maux » ?
Le discours est généreux…Mais bien peu inspiré par notre Histoire. Le racisme, la stigmatisation d’autrui, la désignation de boucs émissaires, ne sont pas des raisons, ce sont des conséquences. Si le serpent est le tentateur, c’est bien la pomme qui nous a attiré. Et en soi, celle ci est beaucoup plus dangereuse que celui que nous a tenté. Parce qu’elle paraît innoffensive, contrairement au serpent, qui lui est par nature, un être pour qui nous avons de l’aversion.
Que nous apprend notre Histoire ? Que lorsqu’un Peuple est heureux, croit vivre (ou vit) dans un monde qui le satisfait, il n’a aucun des penchants négatifs que l’on a cité tout à l’heure. Il n’a aucune rancoeur, aucune jalousie, aucun sentiment d’injustice, aucune méfiance envers les gouvernants ou simplement une constructive.
En revanche, quand il commence à souffrir d’injustice, de famine, de maladie…Il cherche des responsables à ces maux. Et une fois ceux ci désignés, fait le nécessaire pour pouvoir punir ces derniers.
C’est très précisément ce qui se passe depuis la nuit des temps. Quand tout va bien, les maux disparaissent, donc on vit dans une relative Concorde. Quand les choses s’effritent, en revanche…
Prenons le cas de Adoph HITLER. Quand on reprend ses discours, on comprend immédiatement son succès.
Que dit il aux Allemands ?
-Que le pays a été deshonnoré par ceux qui sont allés signer un traité/diktat qui a enlevé à leur Nation aussi bien son honneur que ses possessions.
-Que si, eux, Allemands, vont si mal, c’est parce que le Gouvernement de la République, est faible, incapable, impuissant, à résoudre leurs maux : notamment ce chômage tenace, résultat (en partie) du rapatriement en urgence des dollars américains (nécessaire à la reconstruction) et des clauses du traité (mise au chômage immédiate des Allemands travaillant dans l’armement)
-Que pendant que l’Allemagne souffre le martyr, des étrangers se font des fortunes sur son dos. Que c’est notamment le cas des banquiers juifs ou des familles bourgeoises qui ont rejoint Berlin avec la création de la République.
-Que lui, HITLER, va changer tout cela. Comment ? En punissant les auteurs des maux.
A aucun moment, il n’est question ici, de racisme, de stigmatisation d’autrui, de désignation des plus faibles, des plus pauvres. Hitler est un politicien né. Il sait parfaitement que le meilleur moyen de toucher un auditeur, c’est de jouer sur ces péchés (dits capitaux) de l’être humain.
-Ainsi exalte t il la Nation allemande. Ce qui lui permet d’avoir une position tout à la fois patriote et défensive. Apte à unifier le pays derrière lui. Napoléon Bonaparte ou les précurseurs de la III République, n’ont pas agit autrement. Le premier en se faisant le héros de la Révolution et son combattant le plus acharné. Les autres en mettant en place un programme national, visant (en premier lieu) à solidifier leur assise (pour éviter une dénonciation du traité honteux donnant l’Alsace et la Lorraine à l’ennemi) et à exalter la Nation française, en vue d’une vengeance prochaine.
-De même, le futur Fuhrer, joue t il avec le sentiment d’injustice, très fort dans le pays. Lequel sentiment permet de favoriser rancoeur et jalousie. C’est sur le terrain social que HITLER joue, en premier lieu. Et s’il choisi les Juifs, comme coupables tout désignés, c’est certes (pour lui) en raison de la haine viscérale qu’il éprouve pour eux…Mais certainement plus encore, parce que dans ce pays ravagé par la famine, le déshonneur, et le chômage…Les seuls à tirer encore quelques atouts de leur manche, ce sont les Juifs justement ! Comme en plus, ces derniers, travaillent dans le monde des banques, et sont considérés (à plus ou moins juste titre) comme des usuriers, ils ne peuvent que susciter rancoeur et jalousie. Ce n’est – par la suite – que pour donner un coté politiquement correct à leur extermination, que HITLER utilisera la ficelle de l’arianisme.