Hier, la commission des lois a auditionné Hervé Pelletier qui préside la commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité. C’était naturellement en lien avec l’affaire dite « des fadettes » dans laquelle la DCRI a écouté les communications téléphoniques d’un journaliste du Monde.
Ce magistrat nous a confirmé qu’il était impossible de procéder à des recherches de données techniques individualisées en s’appuyant sur la base de l’article 20 de la loi du 10 juillet 1991. Autrement dit, la DCRI est sortie du cadre de la loi en agissant comme elle l’a fait.
Il n’est donc pas surprenant que son directeur ait été mis en examen. Pour autant, contrairement à plusieurs voix socialistes, je ne crois pas qu’il soit juste de demander la démission de Bernard Squarcini et pour au moins deux raisons.
D’abord parce que la mise en examen n’est pas la démonstration d’une culpabilité. Je reste sur ce point attaché scrupuleusement à la lettre du droit. Ensuite parce que B. Squarcini a toujours dit avoir agi sur ordre du directeur général de la police nationale. Or F. Péchenard doit bientôt être convoqué par la juge saisie de l’affaire. Attendons donc ce rendez vous.
Mais si je ne demande pas la démission du directeur de la DCRI, je suis surpris que le ministre de l’Intérieur ne fasse pas application de l’article 29 de la loi du 13 juillet 1983 « portant droits et obligations des fonctionnaires » qui lui permet de prendre une sanction disciplinaire « sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale« .
Quelques remarques :
– »la mise en examen n’est pas la démonstration d’une culpabilité »
Erreur…La mise en examen donne un statut d’inculpé (ou accusé) à la personne contre laquelle il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu’elle ait pu participer, comme auteur ou complice, à la commission d’une infraction (article 80-1 du code de procédure pénale).
Il y a donc bien démonstration (pour le juge d’instruction) de sa « culpabilité »…Puisque « l’accusation » possède un dossier à charges.
Pour autant, cette « accusation » peut être démontée par de nouveaux faits, le revirement de témoins (à charge) ou par les alibis présentés par la défense. Surtout, en France – contrairement aux USA – c’est à l’accusation de prouver que l’accusé est coupable (présomption d’innocence oblige) alors que DSK (pour ex) soumis à la Justice américaine, était lui présumé coupable…Et devait donc prouver son innocence.
– »B. Squarcini a toujours dit avoir agi sur ordre du directeur général de la police nationale. »
En quoi, ce motif, vous semble t il de nature à écarter l’idée d’une punition (ne serait ce qu’un blame) à l’endroit de M. SQUARCINI ?
M. SQUARCINI dit avoir agi sur ordres ? En quoi cela lui retire t il sa libre conscience ? Et son obligation citoyenne de ne pas « ignorer la loi » ?
A ce que je sache, quand un citoyen oubli (volontairement ou en toute naiveté) d’inscrire dans sa déclaration d’impôts des éléments, il se fait vite réprimander par le fisc ! Et si ledit citoyen oubli son « registre de commerce » dans sa voiture, ou omet d’apporter les justificatifs de ses achats (un citoyen qui innocemment voudrait vendre un tableau appartenant à sa fille par ex) il se voit immédiatement convoqué par les gendarmes, avec (à la clé) le risque d’emprisonnement et de payement d’amendes !
Et puis, si on suit le raisonnement, s’il s’avère vrai – car rien jusqu’ici ne le prouve – que M. SENAT a bien transmis des dossiers sensibles à la presse (à tort ou à raison, c’est une autre histoire) par ordre de MAM (qui a fait dès lors preuve d’abus de pouvoir en contraignant un fonctionnaire à agir pour servir ses intérêts politiciens)…Pourquoi le PS (et vous même) ne réclamez vous pas que l’on remette le brave homme en fonction ? (Il a été viré, lui) Idem pour M. NEYRET et tant d’autres ?
Pour moi, vos deux arguments ne sont pas aussi respectueux de la loi que vous le dites. En effet, la DDHC – pilier juridique de la France – est d’une très grande clarté :
Art. 7. « Ceux qui sollicitent, expédient, exécutent ou font exécuter des ordres arbitraires, doivent être punis »
Peut on être plus clair ? M. SQUIRCINI a EXECUTE un ordre arbitraire – il avait connaissance de la loi puisqu’elle figure au JO et la Constitution est accessible à tous – son directeur a SOLLICITE cet ordre arbitraire…Et il est probable que M. SARKOZY ait « FAIT EXECUTER » un ordre arbitraire…Ordre qui n’est pas couvert par son immunité puisqu’il a fait preuve (à cette occasion) de « manquements à ses devoirs constitutionnels dans l’exercice de ses fonctions ». L’une de ses fonctions premières étant…Le respect de la DDHC !
L’article 7 énonce une vérité déjà inscrite dans l’art. 3 : « Le principe de toute Souveraineté réside essentiellement dans la Nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d’autorité qui n’en émane expressément »
Quelle est cette vérité ?
Que seule la loi peut décider si, quand, comment et pour quel motif les agents de l’Etat peuvent exercer la violence contre des citoyens. La violence étant ici une violation de leurs droits légaux, inscrits dans ladite DDHC mais pas seulement. (Constitution, corpus constitutionnel, lois)
La loi est d’application stricte : si elle existe, elle possède sa pleine vigueur et l’enfreindre revient à commettre le délit de rébellion (article 433-6 du Code Pénal).
En revanche, un ordre contraire à la Loi, ou même simplement non-conforme, c’est-à-dire privé de base légale, viole le « principe d’autorité » et un agent de l’Etat qui exécute un tel ordre se rend coupable d’une atteinte aux libertés individuelles (article 432-4 du Code pénal).
Bref…Le PS ne doit pas demander la « démission » de M. SQUARCINI mais bien son « licenciement » (ce n’est pas la même chose : une personne qui démissionne, le fait par choix ; celle qui est licenciée souvent par décision patronale et ici le patron c’est l’Etat)…Non pas tant pour les faits qui lui sont reprochés – l’écoute des journalistes – mais parce qu’il a reconnu (et cela est un fait) avoir exécuté un ordre arbitraire.
En vertu de la DDHC, les charges publiques doivent être assumées par des personnes : aptes, vertueuses, et compétentes.
M. SQUARCINI ne peut plus se prévaloir de bénéficier de ces trois éléments : il n’est plus « apte » puisqu’il va devoir passer sept ans en prison et payer 10000 euros d’amendes, il n’est plus « vertueux » puisqu’il a reconnu avoir répondu aux « sollicitations » de son responsable hiérarchique sans instructions légales. Il est (encore) peut être compétent…Mais de toute évidence, la priorité n’est pas mise sur les réels intérêts vitaux du pays !
L’excuse présentée par les nazis à Nuremberg comme par M. SQUARCINI ou des conseillers présidentiels (« Je n’ai fait qu’exécuter les ordres ») est irrecevable selon l’article 7 : même un soldat en service doit refuser d’exécuter un ordre exprès si cet ordre est contraire à la loi.
Combinons cela avec l’article 5 : un agent de l’Etat qui exerce une violence contre une action qui n’est pas nuisible à la Société agit de manière illégale.
En conséquence, ce n’est pas la « démission » de M. SQUARCINI que devrait demander le PS…Mais bien l’inculpation de M. SQUARCINI pour violation de la DDHC, ainsi que celle de M. PECHENARD et de toute personne ayant « sollicité, expédié, exécuté ou fait exécuter des ordres arbitraires » !
« avoir seulement demandé de » c’est « solliciter » ! Je vois déjà les politiques se dresser sur leurs grands chevaux, si moi j’avais l’audace de dire à un juge « mais Monsieur le juge, voyez vous, je n’ai fait que demander à un aimable gendarme de faire sauter mes amendes » !
Ne serais je point sanctionner pour avoir tenté de corrompre un agent public ? Et ne serais je point poursuivi pour avoir tenté (sans succès) de le faire ? Prétendre ne pas avoir connaissance du fait que rouler trop vite expose à des sanctions, ne sera pas une excuse suffisante pour excuser mes torts ! Tout au contraire, on me ferait rappeler que « nul n’est censé ignorer la loi » !
http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2011/10/18/01016-20111018ARTFIG00754-fadettes-squarcini-se-defend-d-avoir-voulu-violer-la-loi.php
M. SQUARCINI reconnait, d’ailleurs, ne pas avoir eu d’instruction écrite ! C’est comme si un policier Américain débarquait chez un particulier sans mandat ! Si les « intérêts vitaux du pays » étaient menacés – par quoi ? – il aurait forcément eu des instructions motivées. Menace terroriste, securité nationale, sauvegarde des intérêts industriels du pays…Comme cela se fait, lorsqu’il y a REELLEMENT menace !