Le Monde m’a sollicité en fin de semaine dernière pour que je puisse rédiger une tribune devant être publiée ce jour dans le cadre d’un dossier consacré à la « gauche et la sécurité« .
J’ai naturellement accepté avec plaisir cette invitation d’autant que la seule contrainte était de volume puisque le texte ne devait pas excéder 4000 signes. Hélas, la version que vous pourrez en lire sur le site du journal n’est qu’une version expurgée de mes réflexions.
Sans que je n’en sois informé, la rédaction du journal a supprimé plus de 1000 signes, ce qui amoindri le sens de plusieurs propositions. En effet, si les modifications ont pu sembler badines à mon correcteur, certaines vident pourtant de leur sens des phrases pour ceux qui liront la tribune avec un oeil averti et qui cherchaient à mieux comprendre en quoi l’action engagée par le ministre est porteuse de changement. Même le titre n’est devenu qu’un triste plaidoyer sans âme ni distance.
Exemple un « commandement territorial » est une affirmation vide de signification au regard de l’existant et ne remplace absolument « une unicité du commandement territorial » qui est l’écriture initiale et qui constitue une véritable novation. Il suffit de regarder Marseille pour s’en rendre compte. Il existe dans cette ville des « commandements territoriaux » que sont les commissariats mais ils ne partagent aucun objectif commun, ce que permettrait au contraire une « unicité de commandement« .
Et je peux hélas faire la même démonstration avec la suppression du passage « elle favorisera l’émergence de solutions adaptées à l’évolution« . Cette notion pour banale qu’elle puisse paraître au béotien est profondément novatrice pour la police qui n’est pour le moment pas habituée aux accommodements locaux d’objectifs nationaux.
C’est dire ma déception à la lecture du Monde ce matin. Vous trouverez donc ci-dessous le texte original.
« Nombre de nos concitoyens sont sceptiques sur les engagements politiques. Ils enregistrent les promesses mais attendent de voir. Dans le domaine de la sécurité, comment ne pas les comprendre ? Dix ans durant, Nicolas Sarkozy leur a asséné ses serments sans que change pour autant leur quotidien. Sur fond d’hyper-réactivité à l’événement, ils ont assisté à un empilement brouillon de réformes, à une succession continue d’objectifs aléatoires et de priorités mouvantes, au développement frénétique d’une culture du chiffre, au jeu trouble d’une suspicion délibérément entretenue entre forces de l’ordre et pouvoir judiciaire.
Hélas, cette politique qui promettait l’éradication imminente de la délinquance l’aura en réalité favorisée, au point de devenir une véritable pomme de discorde entre les Français, leurs forces de sécurité et les magistrats. Nous n’imiterons pas cette voie policièrement inefficace et socialement mortifère.
Le devoir de la gauche au pouvoir est de renouer avec l’efficacité. Le changement qu’a engagé Manuel Valls est loin des actions spectaculaires, des théories fumeuses ou des réformes de structures hâtives. Il s’est nourri de l’observation des politiques conduites par les élus locaux socialistes dans leurs collectivités. Il va se traduire par des touches nombreuses et ciblées visant à optimiser le fonctionnement des services de police et de gendarmerie, à faire évoluer les contenus, à transformer les modes opératoires, et ce afin de rendre à l’action de l’Etat tout son équilibre et sa cohérence.
C’est le but des « zones de sécurité prioritaires » expérimentées dans 24 villes. Initiées par le ministère de l’Intérieur, elles vont se transformer en réalité interministérielle durable, tant il est évident que la réponse à la délinquance ne peut être uniquement policière et répressive, mais réclame une véritable coopération entre de nombreuses politiques publiques.
A rebours de la centralisation excessive et velléitaire vécue ces dernières années, nous allons permettre l’élaboration de stratégies locales volontaires. La territorialisation des forces ne saurait se résumer à la simple affectation de gardiens de l’ordre sur la voie publique. Elle favorisera l’émergence de solutions adaptées à l’évolution de la délinquance. Car les difficultés des métropoles diffèrent de celles des départements ruraux et les enjeux des communes périurbaines ne recoupent pas ceux des centres-villes. Garantir la tranquillité publique nécessite de s’adapter aux problématiques locales. Ainsi une plus grande souplesse opérationnelle, une capacité d’appropriation des objectifs nationaux, une unicité du commandement territorial, une contractualisation intelligente entre les élus et les divers services de l’Etat, une inscription dans le long terme constitueront autant de clés du succès par la salutaire libération des initiatives.
Évidemment, la question des effectifs à engager ou à maintenir dans ces zones prioritaires est cruciale, puisque nous souhaitons conforter des structures locales sédentarisées et donc impliquées dans la durée. En dépit de la reconnaissance par le président de la République du caractère prioritaire des enjeux de sécurité – 500 postes seront créés par an dès 2013 –, l’état des finances publiques interdit une extension importante des moyens humains. Il n’est pas non plus judicieux de sédentariser des gendarmes mobiles ou des CRS dont la vocation consiste à répondre à l’échelle nationale à des situations d’urgence ou de court terme. Des redéploiements de territoires ou de services sur-dotés en effectifs seront donc privilégiés au profit des secteurs prioritaires.
Enfin, il faut retrouver des marges budgétaires par la réaffectation de certaines ressources existantes. Pourquoi, par exemple, ne pas supprimer la « prime aux résultats exceptionnels » pour promouvoir d’autres modes de fonctionnement au sein de la police, ou réorienter le fonds interministériel pour la prévention de la délinquance, capté par la droite au profit quasi exclusif de la vidéosurveillance ?
Nous savons combien la reconquête républicaine de tous les territoires délaissés nécessitera ténacité et énergie. Le gouvernement s’y est engagé avec humilité. Il peut évidemment compter sur le soutien des socialistes. Et seuls demain nos concitoyens jugeront. »
Pourquoi avoir confié votre tribune au Monde ? Le Figaro au moins, aurait retranscrit fidèlement vos propositions.Votre rôle était plus facile en fin d’année, lorsque vous avez critiqué l’action du directeur général de la Gendarmerie qui donnait des instructions aux unités, pour lutter contre les cambriolages.
Il faut juste apprendre à lire, c’est le monde qui a demandé la tribune à JJU..
Socio, non seulement vous ne savez pas lire mais vous me faîtes penser à ces post-adolescents empreint d’ingratitude, de « just do it » et par-dessus tout de mauvaise foi. Une des antidotes consisterait à aller militer le plus régulièrement possible avec vos pairs…
« une unicité du commandement territorial » se trouve bien dans l’article que tu as écrie .Mais c’est vrai que c’est différent de commandement territorial qui est le cas partout sur le territoire ,peut-être pas dans les lieux ou il y a un préfet de police?
Encore un article qui rejette toutes les responsabilités sur le Président Sarkozy. Parler de « politique brouillonne » me semble plus adapté à l’équipe actuelle qui entre népotisme (nomination d’employeur de conjoints de ministres)et signaux envoyés aux délinquants avec la suppression des tribunaux pour mineurs n’a ni cap ni vision pour le pays.
Maintenant au boulot, et le bilan sera apprécié dès 2014.
Visiblement il est plus que difficile d’arrêter la critique stérile.
Dans son rapport parlementaire en 1992 Julien Dray constatait : « Notre pays assiste à la création d’une économie souterraine fondée sur une logique mafieuse. Ce phénomène assez méconnu, difficile à appréhender, est pourtant lourd de conséquences particulièrement inquiétantes. Cette économie englobe les gains tirés de la vente de la drogue. Les réseaux de vente sont organisés avec de nombreux petits vendeurs, guetteurs ou transporteurs, sortes de fourmis du trafic recrutées parmi les jeunes des cités. Un nombre important de personne bénéficient directement ou indirectement du trafic. La tendance croissante des familles à fermer les yeux sur les rentrées d’argent inexpliquées doit être soulignée. Elle contribue à créer un climat ‘’mafieux. » 20 ans après Manuel VALLS reprend les même propos, preuve que rien n’a changé. Le Caïd vit au cœur du système et dès qu’il cesse de nuire est remplacé par un autre.Les pouvoirs publics ont axé leur lutte contre ce qui est visible, contre le petit dealer, contre le gamin qui jette des pierres sur les voitures de police, tiens nous y voilà.
Ce gamin qui pour tourner sa casquette dans un sens ou un autre dès qu’une voiture suspecte s’approchera gagnera 30 ou 40 euros par jours, ou sont équivalent en « shit », si les intrus se font trop pressent ou présents il aura 100 euros pour quelques cailloux adroitement lancés. Dans quelques années il pourra, lui même, commencer son business et ouvrir son commerce.
Car tout ce système, est basé sur l’argent, la « maille », comme ils disent, dans une société ou le paraître à plus d’importance que l’être. Ou l’opulence de certains, alimentée par les tabloïdes comme « Voici » ou « Gala », par la télévision, par ses nouvelles stars, par des vitrines et de la pub alléchantes est inaccessibles à la plupart de ces jeunes, la seule voie pour y accéder rapidement, c’est la délinquance. Aujourd’hui le pouvoir d’achat se mesure à l’envie et non pas au besoin. Moi je m’habille par besoin pas par vanité.
Quels risques ? Aller à la brigade ou au poste, même en prison ? On y gagne quelques lettres de noblesse.
Comment un gamin de huit ans, qui a vu son père trimer sur un chantier toute sa vie, rentrer fatiguer, rouler en vieille occaz de 160.000 km,à peine parler à sa femme qui a pris quelques kilos suite a ces nombreuses maternités, ne préférait il pas l’exemple de son grand frère qui à dix huit ans roule BM, se lève à midi et sort en boite toutes les nuits avec les plus jolies filles du quartier, la tentation est grande. Pour les autres ceux qui n’ont pas choisi la facilité, mais au contraire, pour les mêmes raisons ont préféré s’investir dans leur scolarité, c’est un peu plus tard que le dégoût arrivera et qu’ils constateront avec amertume que diplôme ou pas, les portes restent fermées et qu’ils sont coincés dans leur cité, victimes de leur facies, nom, adresse…
Au-delà de l’attrait économique s’adressant aux acteurs directs, il y a dans cette économie souterraine un moyen non négligeable pour les caïds d’obtenir la solidarité de l’ensemble en trois temps. Le premier c’est de faire de la cité son commerce, chacun pourra à moindre prix se procurer un auto radio, un écran plat ou encore un téléphone portable, tombé du camion comme on dit. Comment dénoncer après le trafiquant si une semaine auparavant on lui a acheté un lecteur DVD. Tous clients, tous complices, tous coupables. Le second, c’est que les dealers fonctionnent comme une banque, ils prêtent de l’argent « aux amis », aux familles des amis, pour un taxi, un resto « kebab », pour partir en vacances. Non seulement ils tiennent les débiteurs mais en plus ils blanchissent l’argent de la drogue. Le troisième, c’est que certaines familles, plongées dans la précarité, chômage, maladie, femme isolée… sont parfois peu regardantes quant aux entrées d’argent dans le foyer, on en profite et on ferme les yeux. Tout est là, l’économie parallèle, souterraine, comme on veut, prospère sur la misère.
Voilà pourquoi les dealers mettent autant d’ardeur à protéger leurs territoires et à s’organiser pour qu’aucun intrus ne vienne perturber leur équilibre, une société parallèle elle aussi.