Ce fut un long travail en commission. Sans doute plus de 20 heures de débat. Et le résultat est là : le projet de loi ouvrant le mariage aux couples de même sexe a été adopté au petit matin par la commission.
Vous pouvez retrouver ici un compte rendu issu de twitter. Ou encore ici pour lire l’essentiel très bien résumé par un journaliste qui était présent dans la salle Lamartine. Vous pouvez encore regarder les vidéos, mais il faut alors être patient…
Qu’en retirer ?
D’abord sans surprise, l’opposition a voulu enliser les débats. Déposer systématiquement, sur chaque article, 15 amendements de suppression signés par les 15 députés UMP de la commission des lois ne traduit pas autre chose qu’une volonté d’obstruction. C’est assez classique et pour l’avoir pratiqué durant la législature précédente, il serait incongru que je le condamne.
Ensuite, la faiblesse de la mobilisation de la droite. Seuls 4 ou 5 députés dont 2 ne sont d’ailleurs venu dans la commission que pour ce texte étaient présents en permanence. Ainsi Jean-Frédéric Poisson, Philippe Houillon, Philippe Gosselin furent-ils rejoints par Hervé Mariton et Xavier Breton. Evidemment, tous ceux qui courent les plateaux de télévision pour clamer leur farouche détermination au texte avaient sans doute mieux à faire que de venir en discuter à l’Assemblée.
Enfin, l’argumentation est assez répétitive : le parlement n’est pas légitime, il faut un référendum, vous nous cachez la PMA et sans doute la GPA (les mères porteuses), vous allez détruire les familles…
Au final, la majorité fut donc majoritaire et grâce à l’habilité du rapporteur Erwann Binet, nous avons pu « faire tomber » comme on dit dans le jargon parlementaire (c’est à dire éviter d’avoir à discuter) plus de 300 des 570 amendements initialement déposés. En effet, la droite avait multiplié à presque l’infini des amendements quasi identiques pour retarder, retarder, retarder encore le moment du vote.
Certes, il m’a fallu être parfois un peu « directif » mais après n’avoir étudié que 70 amendements le mercredi soir à 19 h 30 après trois premières réunions de 4 h chacune, j’ai considéré que cela ne traduisait pas une brimade insupportable pour les députés UMP.
La première étape est donc franchie. Le texte fut voté par le PS et les Verts, le groupe communiste/front de gauche était absents, l’UMP et l’UDI ont voté contre et les deux députés FN n’étaient pas là non plus.
Pour pouver consulter son texte tel qu’il sera présenté en séance le mardi 29 janvier vers 16 h 30.
**Ce petit jeu parlementaire est lassant, car on y retrouve ce que vous dénonciez lorsque vous étiez dans l’opposition : une majorité qui n’écoute pas (1) et un Gouvernement hautain (2) faisant face à une opposition dont le but est de prolonger les séances (3) dans le but clair et assumé d’en retarder l’issue.
**Pour ce qui est du vote de l’article 1er du projet de loi, était il donc si essentiel qu’il soit voté de nuit ? Autrement dit, quand les élus – et c’est compréhensibles – sont énervés, au point de s’insulter mutuellement ou de sortir des arguments à deux balles, n’aspirent qu’à aller se coucher et n’écoutent plus les intervenants ?
Ne serait il pas plus agréable d’avoir des élus présents en séance en journée, pour débattre, plutôt que des élus coléreux et hargneux, passant leur temps à s’invectiver, parce qu’ils ont des heures de sommeil de retard ?
**Concernant les arguments, je suis d’accord avec vous, ils sont répétitifs. J’observe néanmoins que les réponses données ne sont pas de très haut vol non plus… !
–Commençons par le référendum. A ma connaissance, il n’y a qu’une seule entité, en France, qui soit habilité à interpréter la Constitution : le Conseil Constitutionnel. Or, ce dernier s’est déjà prononcé sur les lois référendaires, en se déclarant incompétents sur la constitutionnalité de celles-ci (1), validant ainsi le principe selon lequel toute loi référendaire est, par essence, constitutionnelle. Si M. Hollande souhaitait soumettre à référendum le projet de loi que vous examinez, il le pourrait. Il a pour lui la « jurisprudence » De Gaulle.
J’ajoute qu’il y a une certaine incohérence dans le discours des élus PS, qui réfutent que ce qui relève de la famille soit reliée à une quelconque politique sociale…Alors même que l’organisation gouvernementale met sous la tutelle du Ministre desdites politiques sociales…Le Ministre de la Famille ! Jacques Toubon a vu ses assertions démenties, par ailleurs, par les faits.
Le traité de Maastricht traitait certes de questions économiques (et monétaires) mais il impactait surtout la souveraineté du pays, en prévoyant la suppression du « droit régalien » d’émettre monnaie. Et en dépit de cette fameuse « intention du Législateur », le TCE, qui avait aussi vocation à meurtrir la souveraineté nationale, fut soumis à référendum. Faut-il rappeler, enfin, ce commandement suprême, qui est fait au Législateur, de ne pouvoir utiliser la Loi que pour interdire les actes nuisibles à la Société ? Et ce principe, dit de liberté, qui dit expressément que lorsque la Loi ne dit rien…Elle autorise ? De même que le silence vaut consentement, la DDHC de 1789 proclame la primauté de la liberté sur l’interdit. Fonder un interdit sur un non dit constitutionnel, c’est oublier les fondements historiques de notre pays !
Que les députés PS (et F. Hollande) aient le souhait de faire passer le projet de loi par le Parlement plutôt que par référendum, cela peut se concevoir, s’argumenter. Nul n’est besoin de s’appuyer sur un fondement juridique démenti par les faits et les Sages.
–Passons à présent au mariage. Je ne m’attarde pas sur l’angoisse exprimée par l’opposition. Je préfère m’arrêter à la réponse de la majorité. Pour commence, j’observe une confusion de deux termes : la famille et le mariage. L’opposition dénonce un risque de voir l’Institution du mariage basculer ? La majorité rétorque en parlant des différentes familles existantes ! Quel lien au juste ? Des familles diverses, il y en a eu de tout temps. En revanche, l’Institution du mariage ne se conçoit que laïque ou religieuse (1) et ses codes n’ont pas changé depuis sa création (2) : union d’un homme et d’une femme (a), consentement devant une assistance (b), bénédiction par un officiant (maire ou prêtre) légitime (c), statut sociétal reconnu (d), absence de référence à l’amour (e) et égalité dans l’union (f).
On peut mégoter sur beaucoup de choses, mais il est clair que le projet de loi va modifier la visée (plus que millénaire) du mariage, puisqu’il institue l’amour comme élément déterminant de toute union matrimoniale. Cet ode à l’amour n’est pas bien méchant comme çà, mais il le devient quand on lui accorde un statut juridique. S’il y a atteinte au mariage, c’est par la possibilité que les élus PS donnent aux citoyens, de recourir à l’amour pour justifier l’abandon des règles constitutives du mariage. Si l’une d’elle est supprimée pour cette raison – la différence des sexes des partenaires – toutes les autres peuvent l’être.
En deuxième partie de réponse, la majorité explique vouloir répondre à une demande de sécurisation juridique. Certes, mais le moyen employé semble bien compliqué. Pourquoi ne pas lui préférer des amendements en loi des finances…Et une publicité des décisions prises par le Législateur sur ces questions ?
–Continuons avec la question du « droit » au mariage. Cela devient lassant cette histoire de discrimination et d’inégalité en droits. Alors petit rappel : le mariage est un droit individuel qui soumet chaque citoyen aux mêmes règles constitutives. Invoquer une inégalité en droit ou une discrimination sur la question du mariage est donc inutile et peu digne de la part d’une majorité qui doit sans doute avoir lu…L’étude d’impact qui mentionne le caractère complètement absurde, sur le plan juridique, d’une telle victimisation. La majorité confond le droit de se marier avec le droit à l’amour. Il est aujourd’hui possible à tous les citoyens de se marier. Seulement le choix des partenaires doit se faire selon des critères prévus par le Législateur, qui impactent tout le monde, que cela soit l’âge, la différence de sexe des partenaires, la capacité juridique, le fait d’être deux ou encore de ne pas avoir des liens consanguins. Où est l’inégalité en droits ? Où est la discrimination ?
Je conçois que des personnes souhaitent se marier avec une personne aimée. Mais quelle cohérence aurait un Législateur qui bénirait le mariage entre personnes de même sexe, mais condamneraient ceux qui aiment mais se voient restreints par les règles constitutives de semblable manière ?
–Terminons avec la PMA/GPA. Je dois avouer que c’est la réponse la plus fragile du tout. Le Législateur ne veut pas de la GPA…Donc elle ne sera pas ? C’est oublier ce fameux principe égalitaire qui orne nos frontons. Si une assistance à la procréation est ouverte aux femmes en couples (mariées ou pas), cette aide doit nécessairement être ouverte aux hommes répondant aux mêmes conditions, sinon il y a, effectivement, violation de l’article 1er de la Constitution et discrimination en raison du sexe. La DDHC sauve, bien sur, le Législateur, en lui offrant la possibilité de discriminer. Mais encore faut-il une raison d’intérêt général pour justifier semblable chose. Je crains que le souhait du Législateur ne soit pas suffisant pour porter atteinte à l’égalité en droits garantie par la DDHC (1) et pour répondre aux exigences posées par celle-ci sur le plan de la loi (2).
S’agissant de l’adoption, ce n’est pas un « droit à l’enfant » comme semble le croire la majorité ! L’adoption est permise pour donner à un enfant un cadre familial stable. Ce n’est pas à un désir d’adultes qu’on répond – on n’est pas dans un catalogue trois suisses ! – mais à un besoin de l’enfant.
En conclusion…La Ministre explique qu’un « mariage c’est un couple ». Superbe affirmation mais qui, à l’image du projet de loi qui fonde le mariage sur l’amour, alors que cela n’a jamais été le cas auparavant, pourrait demain être revu. Dommage que C. TAUBIRA n’ait pas le courage de répondre à la question légitime de l’opposition sur ce point de droit : si l’amour seul justifie la suppression d’une règle constitutive, comment pourra t on demain empêcher les autres formes d’amour prohibés par le Législateur via lesdites règles ?