Le Conseil Constitutionnel vient de juger que la récente modification du Règlement de l’Assemblée Nationale qui visait à permettre aux groupes parlementaires de se doter d’une coprésidence assurée par deux députés de sexe différent, était inconstitutionnelle.
Ceux qui me font l’honneur de me lire savent que je n’étais guère enthousiaste face à cette initiative voulue par le groupe Ecologiste. J’avais eu l’occasion de l’écrire et surtout de l’exprimer à la tribune de l’Assemblée.
Le Règlement ne sera donc pas modifié puisque les changements envisagés sont contraires à la loi organique du 15 avril 2009 et surtout au principe d’égalité. On comprendra que je ne verse pas des larmes de crocodile sur les conséquences de cette décision.
Au final, nous allons donc découvrir les bienfaits des « conventions parlementaires« chères à Pierre Avril et à Jean Gicquel. Cette pratique souple qui permet l’existence de coutumes acceptées par la Conférence des Présidents sans qu’il ne soit besoin de changer à la règle écrite.
Ainsi grâce à cette fluidité, le groupe écologiste pourra – à l’Assemblée (car il ne me semble pas que celui du Sénat suive l’exemple) – se doter sans difficulté particulière de deux co-présidents…
« Tous les Citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leurs Représentants, à sa formation. ». Cela augure mal de la réforme sur les scrutins binomiaux paritaires…
Pour ajouter de l’eau au moulin de cet étrange mode de scrutin, quelques éléments de réflexion sur le mode de scrutin binomial paritaire introduit par la future loi. Ce type de scrutin présente décidément des cas d’anomalies fort gênantes.
Prenons le cas d’une assemblée à 20 sièges, 2 listes et un scrutin serré de 50%/50% avec une majorité d’une voix.
Dans un scrutin normal, on aurait une assemblée avec 9 sièges à l’opposition et 11 à la majorité, soit 50% – 1 siège = 45% / 50% + 1 siège = 55%. Normal et représentatif de la volonté des électeurs.
Dans un scrutin binomial, c’est très différent puisque l’écart serait mécaniquement amplifié : 4 binômes (8 sièges) iraient à l’opposition et 6 binômes (12 sièges) iraient à la majorité, soit un résultat de 40% / 60%.
Dans une situation de victoire un peu marquée (60% + 1 vote) on arriverait à une répartition de 30% pour l’opposition et 70% pour la majorité. Par sûr que cet « écrasement de l’opposition » soit bon pour le débat démocratique.
Problème suivant, que se passe-t-il si un siège doit être remis en jeu dans une élection partielle ?
Deux cas : le binôme est solidaire et 2 sièges sont alors à pouvoir, où le binôme n’est pas solidaire et 1 siège est à pouvoir.
Binôme solidaire : un siège est à pouvoir pour incapacité de l’élu(e), l’autre le devient par démission pour appliquer la solidarité. Lors de l’élection, la majorité peut changer si les électeurs le veulent, rien à dire, on se retrouve avec une assemblée à 40%/60% comme lors du 1er vote.
Binôme non solidaire : un siège est à pouvoir pour incapacité de l’élu(e), mais l’autre n’est pas obligé de démissionner. Cette fois, lors de l’élection la majorité ne changera pas et dans le cas pris ici, on se retrouve avec une assemblée à 50%/50% si la voix qui donne la majorité se reporte cette fois sur l’opposition ! Un même nombre de voix pour 2 scrutins mais 2 résultats très différents !
La seule solution est donc de rendre quoi qu’il arrive le binôme solidaire.