Ecotaxe : entretien au Figaro

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Le Figaro de ce jour publie un entretien réalisé hier. Vous pouvez aussi le lire ci-dessous.

« Le président socialiste de la commission des lois de l’Assemblée nationale estime que le gouvernement ne doit pas s’entêter sur la fiscalité écologique, mais doit commencer par trouver des solutions durables pour la filière agroalimentaire en Bretagne.

Le Figaro :

Avec la question de l’écotaxe, le gouvernement ne s’est-il pas, une fois de plus, mis dans une impasse: soit il cède, soit il attise la crise sociale en Bretagne ?

Jean-Jacques URVOAS. – Je n’ai pas cette grille de lecture. Je vois plutôt un gouvernement attentif, qui ne réforme pas dans la brutalité, qui ne passe pas en force.

Quitte à paraître mou, à multiplier les reculades?

Le gouvernement sait que la situation de la Bretagne est singulière. Depuis quelques mois, les Bretons vivent au rythme des dépôts de bilan et des licenciements massifs: les poulets Doux, les abattoirs Gad et d’autres entreprises encore. Ils nourrissent une vraie inquiétude qui s’est cristallisée sur l’écotaxe. L’objectif du gouvernement de Jean-Marc Ayrault est d’y répondre par un Plan d’avenir pour la Bretagne pour lequel 15 millions d’euros ont déjà été annoncés. Mais ces projets ne sont pas audibles tant que l’écotaxe, symbolisée par les portiques (installés sur les routes pour enregistrer les poids-lourds soumis à cette taxe, Ndlr), cristallisera les tensions. C’est pourquoi, dans un souci d’apaisement, je plaide, sans remettre en cause le principe de l’écotaxe que j’ai voté, pour son ajournement.

Au risque de déstabiliser le gouvernement et, pour celui-ci, d’être critiqué à cause de ses tergiversations? Pour Jean-Vincent Placé, chef de file des sénateurs écologistes, si le gouvernement cède, «il ne faudra pas qu’il s’étonne qu’il n’ait plus d’autorité sur rien».

Je récuse l’idée qu’il n’y ait d’autre choix que celui de la reculade ou de l’entêtement. La situation est comparable à la crise de la sidérurgie en Lorraine dans les années 1980. Dans l’agroalimentaire breton, 20% des emplois sont menacés. Quant aux déclarations de Jean-Vincent Placé, je ne crois pas qu’elles soient au cœur des enjeux que nous évoquons.

Vous et les autres élus bretons n’avez-vous pas été assez écoutés ou n’avez-vous pas tiré la sonnette d’alarme avec assez de force?

Certaines technostructures – Bercy et quelques hauts fonctionnaires pour ne pas les nommer – peuvent rester sourds, persuadés que les élus ne sont mus que par la défense d’intérêts catégoriels… Mais aucun élu socialiste breton ne remet en cause le principe de cette taxe. Et le gouvernement est, lui, pleinement conscient de la gravité de la situation.

Pourquoi, alors, cette impression que la fronde bretonne n’avait pas été anticipée, que le gouvernement a été pris de court par la violente manifestation de samedi?

Cette taxe voulue par Jean Louis Borloo, votée en 2009, aurait dû être appliquée en 2011 ! La droite, qui l’a repoussée, ne peut nous faire le procès de l’impréparation. Les discussions autour de l’écotaxe ont débuté au printemps, e dès ce moment nous avons fait valoir que la Bretagne est dans une situation géographique particulière. Ce n’est pas, comme le Nord-Pas-de-Calais ou Rhône-Alpes, une région de transit. Il n’y pas d’alternative à la route.

Comment sortir la Bretagne de l’impasse?

Après 1945, la France a passé un pacte avec cette région : il s’agissait de nourrir le pays à bas coût. Ce qu’elle a bien fait. Cette époque est désormais révolue. C’est un modèle économique qui s’arrête et un autre qu’il faut reconstruire. Les Bretons n’ont pas un tempérament de révoltés. Ils sont durs à la tâche et ne se plaignent pas. Et prêts à travailler. Il faut distinguer entre ceux qui viennent manifester pour casser et ceux qui cherchent des solutions durables. Le dialogue n’a jamais été rompu avec les chambres de commerce et d’industrie, le Medef ou directement les industriels.

Dites-vous, comme certains à gauche, que les manifestants sont instrumentalisés par le Medef ou la FNSEA?

Dans cette contestation, comme partout on trouve des provocateurs, des individus qui cherchent à instrumentaliser le conflit. Il y en avait un certain nombre, samedi dernier, à Pont-de-Buis, dans le Finistère. Mais aussi et surtout beaucoup de finistériens légitimement inquiets quant à leur avenir. C’est pourquoi, je condamne sans nuance les débordements organisés samedi. Rien ne peut se construire dans la violence.

Les élus n’ont-ils pas une responsabilité dans la crise de l’agriculture intensive en Bretagne?

Certains dirigeants d’entreprises de la filière volaille n’ont rien fait pour anticiper l’arrêt des subventions européennes, pourtant programmé depuis des années ! La filière porcine savait que la baisse de sa production allait avoir des conséquences sur l’activité des abattoirs mais peu de choses ont été prévu. Les élus ne sont pas des actionnaires de Doux, ni des abattoirs bretons ! Désormais, il faut faire de la valeur ajoutée là où, hier, on faisait du volume. Mais j’observe aujourd’hui aussi une forme d’hypocrisie. Quand Leclerc ferme ses supermarchés par «solidarité» avec l’agroalimentaire, je me demande s’il ne ferait pas mieux de payer les producteurs au juste prix…

La Bretagne est un socle électoral pour la gauche. Pensez-vous que le Front national peut y faire des scores inattendus aux prochaines élections?

Aucune observation ne permet de valider cette analyse hors-sol. Y aura-t-il de listes du Front national aux municipales? Pour le moment, dans les 283 communes du Finistère, la seule qui est annoncée est à Brest. »

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