Je vais aujourd’hui participer à une manifestation organisée par la Garde des Sceaux sur le thème de la « justice du 21ème siècle » (http://www.justice.gouv.fr/la-justice-du-21eme-siecle-12563/). Je dois présider la dernière table de ronde de restitution des différents ateliers ouverts depuis hier avant que Christiane Taubira n’intervienne en conclusion.
Il me faudra d’abord reconnaître que la pertinence de cette manifestation pouvait initialement être contestée. Ceux qui vont participer aux travaux (plus de 2000 inscrits venus de toutes les juridictions) sont – pour l’essentiel – des praticiens de la justice, des professionnels du droit. Ils connaissent donc bien la « justice du 20ème siècle ». Ils vivent sa pauvreté, voire sa misère matérielle. Ils savent qu’elle est faite d’effectifs en nombre insuffisant, en palais de justice où il pleut, en couloirs encombrés de dossiers, en photocopieurs ou en imprimantes qui manquent de papiers, des factures impayées…
Il est donc légitime qu’ils s’interrogent sur l’intérêt d’engager une opération aussi lourde. Et pourtant, les inscriptions massives démontrent qu’il y a une attente. Car ce ne sera pas d’un colloque de plus.
Il s’agit même de l’inverse. Ce sera un moment – rare dans la vie publique – où la parole va précéder la réforme. Ce sera aussi une étape dans un processus où de très nombreuses propositions ont été établies puisqu’on en a recensé 268. Ce sera enfin une rencontre, où si le cadre ne permettra plus la concertation, il doit permettre la hiérarchisation et la mise ne perspective. Ce qui sera sans doute l’objet du propos de C. Taubira.
Pour ma part, j’y vais avec une seule conviction : demain, comme aujourd’hui, on dira que la justice est en crise tout simplement parce qu’il ne peut pas en être autrement. Confier à la Justice à un homme ou à une femme, plutôt qu’à une machine, c’est accepter comme règle, l’approximation, l’erreur bref l’imperfection. C’est dire que la justice ne peut être autre chose que bancale et incertaine.
C’est pourquoi demain nous devons tout faire pour que les droits énoncés deviennent des droits appliqués. Cela peut paraitre ronflant mais c’est une idée assez simple. En démocratie, la justice, c’est le droit pour tous. Quand un citoyen a un droit qu’il ignore, c’est comme s’il n’en n’avait aucun. Et quand un Etat institue un droit et qu’il ne le fait pas respecter, il met en scène sa propre impuissance. Et de cela je ne veux pas.
Où était Christiane Taubira lors de la polémique Dieudonné ? N’était-ce pas à la Garde des Sceaux d’agir plutôt qu’au ministre de l’Intérieur ?