Jean-Marc Ayrault avait annoncé la « suspension » de l’écotaxe à l’automne dernier. Comme d’autres, j’avais alors commenté cette heureuse et nécessaire décision en affirmant que cela n’invalidait pas le principe « utilisateur-payeur » .
C’est donc une habile décision que vient de rendre publique Ségolène Royal. Après un important travail de concertation réalisé notamment par la commission du développement durable de l’Assemblée Nationale, elle a décidé de remplacer « l’écotaxe » par un « péage de transit poids lourds » .
Le changement n’est pas que de vocabulaire. Certes, il permet de confirmer que les poids lourds qui sont les principaux bénéficiaires du réseau routier vont contribuer à son entretien et à la construction de nouvelles infrastructures, notamment ferroviaires et fluviales. Ainsi un péage de transit sera instauré sur les itinéraires de grand transit, qui supportent un trafic supérieur à 2 500 poids lourds par jour.
Mais surtout, ces itinéraires sont bien moins nombreux que le projet initial qui pénalisait la Bretagne : 4 000 km du réseau routier national et de certaines routes alternatives départementales (plaine d’Alsace, périphérique parisien), au lieu des 15 000 km qui étaient concernés par l’écotaxe ! De la sorte, le grand transit national et international contribuera au financement des projets de transport dont le pays a besoin tandis que les transports de proximité seront épargnés (tout comme les véhicules agricoles, les véhicules dédiés à la collecte de lait). Il entrera en vigueur le 1er janvier 2015, après trois mois de marche à blanc afin de tester le dispositif en grandeur nature.
Il devrait générer de l’ordre de 550 millions d’euros de recettes chaque année, qui seront intégralement dédiées à l’Agence de Financement des Infrastructures de Transport.
Enfin, pour le manque à gagner par rapport à l’espérance de recettes que portait l’écotaxe, le gouvernement étudie maintenant toutes les possibilités ouvertes par la réglementation européenne pour les financements des projets de transport, c’est à dire un appel à contribution des sociétés d’autoroute…
Bref au final, pas d’hésitation : je préfère le péage validé par Ségolène Royal à l’écotaxe regrettée hier par Cécile Duflot.
Si l’on peut, à l’évidence, se réjouir que le Gouvernement – en la personne de S. Royal – ait décidé d’enterrer un mauvais projet (mais que devient le contrat appel contesté Ecomouv?) on peut cependant s’interroger sur l’intérêt de remplacer cette taxe par une autre (péage) même si son périmètre est moindre. (4 000 km de réseau routier au lieu de 15 000)
En effet, cette taxe (ecotaxe comme péage de transit) s’inscrit dans un objectif écologique (officiellement) qui n’est pas suivi d’effets. Comment prétendre agir pour l’environnement, alors même que cette taxe va s’appliquer sur un périmètre restreint ? Différencier les véhicules selon des critères sans lien environnemental ? Et rester inactives sur les autoroutes ? (Où, c’est bien connu, les transporteurs ne rejettent que du parfum Dior!)
A l’évidence, l’écotaxe est un boulet (de l’équipe Fillon) que se traîne la majorité actuelle, dans le but de se concilier EELV…Qui pourtant, n’a aucune raison de se satisfaire d’un tel bricolage…Pas plus que les acteurs économiques, qui pourront voir de la discrimination dans le projet actuel du Gouvernement. Autant dire que la CJUE va être saisie (à raison).
Les seuls « gagnants » dans l’affaire, sont les dirigeants d’Ecomouv, les sociétés autoroutières (vers qui, galamment, le Gouvernement va envoyer les transporteurs réticents à l’écotaxe) et Total (puisqu’on encourage pas plus le ferroviaire).
Serait-ce trop exiger des élus (et du Gouvernement) qu’ils élaborent des textes de loi qui tiennent de bout et qui soit profitables à la France, pas uniquement à quelques lobbies bien en cour ?
Sans copier un modèle qui ne nous correspond pas nécessairement, s’inspirer de la chaussée roulante suisse (pour réduire la circulation en transit par routes) , pourrait être une première piste.
S’interroger sur l’intérêt ecologique, qu’il y aurait (aussi) à promouvoir des transports annexes, comme le tram ou les bus, alors qu’une longue expérience montre que souvent on fair circuler des véhicules à vide – mais toutes les régions, tous les départements veulent «leur » réseau, limité géographiquement – une autre piste. Avant de songer à encourager tel ou tel transport, se demander si cet encouragement aura le moindre impact sur les déplacements des salariés ou/et des professionnels, pourrait être une autre piste !