Vendredi le Figaro qui aime toujours autant la gauche a bruyamment entamé sa carrière de journal d’opposition en publiant un article destiné à mettre le feu aux poudres au sein du Ministère de l’Intérieur.
C’est ainsi, la droite a du mal à admettre que les socialistes puissent s’emparer du dossier de la sécurité et en sus bénéficier d’un a priori favorable de l’opinion. Une enquête d’opinion indique en effet que le nouveau ministre, Manuel Valls, démarre son action avec l’appui de 72 % de bonne opinion (sondage BVA)… Il était donc urgent de chercher à lui mettre des bâtons dans les roues.
C’est ainsi que le Figaro a monté en épingle l’une des propositions de François Hollande : la lutte contre les « délits de faciès » lors des contrôles d’identité. Je m’étonne que cette idée fasse autant de bruit.
Faut-il rappeler que bon nombre de circulaires signées par les ministres de l’Intérieur des gouvernements de droite rappellent l’obligation de non-discrimination imposée aux fonctionnaires investis des pouvoirs de police ? Faut-il rappeler l’article l’article 225-1 du Code Pénal qui prévoit que : « Constitue une discrimination toute distinction opérée entre les personnes physiques à raison de leur origine, de leur sexe, de leur situation de famille, de leur grossesse, de leur apparence physique, de leur patronyme, de leur état de santé, de leur handicap, de leurs caractéristiques génétiques, de leurs mœurs, de leur orientation sexuelle, de leur âge, de leurs opinions politiques, de leurs activités syndicales, de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée» ? En d’autres termes, faut-il rappeler que les contrôles au faciès sont interdits par les lois et règlements ?
Pourquoi s’étonner alors que ce gouvernement cherche un moyen de faire respecter le droit, car personne ne peut sérieusement nier que de telles pratiques existent. Ceux qui doutent peuvent toujours relire l’étude publiée par l’Open Society Justice initiative publié en 2009 sous le titre : Police et minorités visibles : les contrôles d’identité à Paris.
La piste d’une attestation est une voie à explorer. Ce type de procédure existe dans d’autres pays. Manuel Valls a d’ailleurs dit aux syndicats de policiers qu’il commencerait pas évaluer ces pratiques avant de s’y engager en France.
On peut aussi constater que si ces contrôles sont réellement répandus, cela signifie que les hiérarchies ne font pas leur travail et qu’il est urgent de rappeler à chacun ses responsabilités. On peut encore envisager de modifier l’article 78-2 du Code de procédure pénale afin de sortir enfin du flou artistique qui caractérise aujourd’hui la jurisprudence des tribunaux en interdisant explicitement la discrimination raciale, en clarifiant et en renforçant l’existence de « raisons plausibles de soupçonner » claires et définies comme seules justifications des contrôles d’identité. Le truchement idéal pour cette réforme du Code de procédure pénale serait bien sûr le dépôt d’une proposition de loi dont la rédaction ne devrait pas poser problème. Enfin on peut réfléchir à la formation des policiers et gendarmes de manière à ce qu’ils soient conduits, dans le cadre des contrôles d’identité, à faire preuve de plus de discernement en fondant leur suspicion sur des indices comportementaux objectifs, et non plus sur la simple apparence. Une sensibilisation à cette problématique existe déjà dans des pays tels que l’Espagne et la Hongrie, et a permis de diminuer la fréquence des contrôles tout en augmentant sensiblement leur taux de succès.
Bref, il y a là un champ largement ouvert qui mérite mieux que les caricatures et les cris d’orfraie que l’on entend depuis deux jours.
NB : vous pouvez écouter ici mon intervention sur France Info vendredi soir sur ce même sujet.
Et aussi lire le petit livre que viennent de publier Thierry Marchal-Beck, président du Mouvement des Jeunes Socialistes et Laurianne Deniaud, secrétaire nationale du PS chargée de la vie associative aux éditions Les Petits Matins, intitulé « Contrôle au faciès : comment en finir ».